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SCÈNES HISTORIQUES.

gnons, voyant que toute résistance était inutile, prirent la fuite par la barrière brisée. Les Dauphinois les poursuivirent, et trois personnes seulement restèrent sous la tente vide et ensanglantée.

C’était le duc de Bourgogne, étendu et mourant ; c’était Pierre de Gyac, debout, les bras croisés, et le regardant mourir ; c’était enfin Olivier Layet, qui, touché des souffrances de ce malheureux prince, soulevait son haubergeon pour l’achever par-dessous avec son épée. Mais de Gyac ne voulait pas voir abréger cette agonie, dont chaque convulsion lui appartenait ; et, lorsqu’il reconnut l’intention d’Olivier, d’un violent coup de pied il lui fit voler son épée des mains. Olivier, étonné, leva la tête. — Eh ! sang-dieu ! lui dit en riant de Gyac, laissez donc ce pauvre prince mourir tranquille.

Puis, lorsque le duc eut rendu le dernier soupir, il lui mit la main sur le cœur pour s’assurer qu’il était bien mort ; et, comme le reste l’inquiétait peu, il disparut sans que personne fît attention à lui.

Cependant les Dauphinois, après avoir poursuivi les Bourguignons jusqu’au pied du château, revinrent sur leurs pas. Ils trouvèrent le corps du duc étendu à la place où ils l’avaient laissé, et près de lui le curé de Montereau, qui, les genoux dans le sang, lui disait les prières des morts. Les gens du Dauphin voulurent lui arracher ce cadavre et le jeter à la rivière ; mais le prêtre leva son crucifix sur le duc, et menaça de la colère du ciel quiconque oserait toucher ce pauvre corps, dont l’âme était si violemment sortie. Alors Cœsmerel, bâtard de Tanneguy, lui détacha du pied un de ses éperons d’or, jurant de le porter désormais comme un ordre de chevalerie ; et les valets du Dauphin, suivant cet exemple, arrachèrent les bagues dont ses mains étaient couvertes, ainsi que la magnifique chaîne d’or qui pendait à son cou.

Le prêtre resta là jusqu’à minuit ; puis à cette heure seulement, avec l’aide de deux hommes, il porta le corps dans un moulin, près du pont, le déposa sur une table et continua de prier près de lui jusqu’au lendemain matin. À huit heures, le duc fut mis en terre, en l’église Notre-Dame, devant l’autel