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GEORGES SAND.

de ses premiers malheurs, comme une protection toute-puissante et qui doit la sauver. Plus contenu, plus réservé, plus hypocrite dans son expression, l’amour chez les femmes de cet âge a quelque chose de maladif et de furieux. Comprimé douloureusement, il double ses forces ; et, quand il déborde, il prend un caractère singulier d’animosité ! On dirait alors que la femme se venge.

Mais je dirai de Louise ce que j’ai dit de M. de Lansac et de la comtesse de Raimbault. Bien que ce dernier type soit très-supérieur aux deux premiers pour la vie et la vérité, cependant il a l’inconvénient très-grave de favoriser trop directement le dessein du poète. L’indifférence du mari, la dureté de la mère et l’exemple de la sœur, c’est trop. Toutes les femmes, en lisant Valentine seront tentées de se dire : Je suis sûre de moi, je n’aurai jamais à combattre un pareil front d’armée. Mon mari ne vaut rien et m’abandonne ; mais je me réfugierai dans le cœur de ma mère ; je m’abriterai de ses conseils ; le bon exemple de ma sœur me sauvera.

Valentine, ainsi placée, malgré la netteté, la précision et le charme que l’auteur lui attribue, malgré la grâce de son caractère, la vivacité de son imagination, la pure limpidité de ses pensées, l’élévation de ses espérances, ne semble plus avoir, au premier aspect, qu’une existence impersonnelle ; les hommes et les choses lui sont tellement hostiles, qu’elle n’a plus qu’à céder. Cependant le poète réussit à nous attacher au sort de Valentine par le développement successif de ses douleurs. Il y a tant d’art et de poignante vérité dans le tableau de sa conscience, qu’on oublie, en lisant, au fond de son cœur tous les artifices de l’avant-scène. L’excès d’adresse se corrige et s’efface par le naturel et l’exquise vraisemblance de la figure principale.

Bénédict est une création d’autant plus surprenante, qu’il rappelle parfois plusieurs types connus, sans jamais se confondre avec eux et s’y absorber. Sa pauvreté, ses accès frénétiques, ses tristesses, son isolement, ont bien quelque parenté avec le Saint-Preux de Jean-Jacques, avec l’Antony de Dumas, le Di-