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MŒURS DES AMÉRICAINS.

fier de pareilles fonctions qu’à des hommes naturellement supérieurs à l’attraction que peut exercer une tabatière ou une bague. Mais ce sont là les affaires de la république, et sans aucun doute, elle les entend mieux que moi. »


Mistress Trollope s’attache beaucoup à mettre en lumière les principaux traits du caractère national des Américains. Elle place au premier rang la vanité, probablement parce que c’est le défaut dont elle a le plus souffert, et comme Anglaise et comme femme. Parmi les exemples qu’elle en donne, nous ne citerons que les plus piquans.


« Il existe au fond du cœur de tout véritable Américain une insurmontable aversion pour tout ce qui est Anglais ; ce sentiment perce à tout propos ; il se glisse même dans les relations les plus amicales, mais le plus souvent c’est sous une forme plus comique qu’offensante.

« Un jour on me disait : « Je ne comprends pas comment vos ministres ne se pendent pas après l’issue de la guerre qu’ils nous ont faite. Cette guerre a dû ruiner l’Angleterre, car elle a été sur le point de nous ruiner nous-mêmes.

« Un autre jour on me disait : « Je commence à comprendre un peu mieux votre mauvais anglais ; mais je ne l’entendais pas du tout lorsque vous êtes arrivée ; et c’était tout simple, car tout le monde sait que la prononciation de Londres est la pire qu’il y ait au monde. C’est une chose étrange que toutes les personnes qui habitent Londres placent l’h où il n’est pas et ne le placent pas où il est. »

« Je fus assez perfide pour demander à la dame qui me disait cela, si elle trouvait que je prononçasse ainsi.

« — Non, me dit-elle, avec un sourire complaisant, vous ne le faites pas ; mais il est aisé de voir la peine que vous prenez à cet égard. Vous avez vu combien cette faute nous choquait, et vous vous êtes efforcée d’apprendre notre prononciation. »

« Un soir une de mes amies m’effraya presque, en me disant d’un ton moitié affectueux moitié compatissant : « Comment pouvez-vous vous résoudre à retourner en Angleterre, et à reconduire vos enfans dans un pays où vous savez assez qu’on ne fait pas plus de cas de vous et d’eux que de la poussière des rues ? »

« Je la suppliai de vouloir bien s’expliquer.

« — Vous savez, me dit-elle, que je ne voudrais pour rien au monde vous faire de la peine ; mais le fait est que nous autres Américains, nous en