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MŒURS DES AMÉRICAINS.

phie, au milieu des femmes les plus jolies, les plus riches et les plus distinguées de l’Amérique, sans que le contraste de leur rôle dans la société avec celui des femmes du même rang en Europe ne se présentât de lui-même et d’une manière frappante à mon esprit. »


Et toutefois l’éducation des femmes est loin d’être négligée en Amérique ; mais elle y est plus fastueuse que bien entendue, et manque le but pour vouloir trop embrasser, on en jugera par le passage suivant.


« J’assistai aux exercices publics qui terminaient l’année scholaire d’une des écoles de filles de Cincinnati, et je ne vis pas sans surprise que les sciences les plus élevées étaient comprises dans le programme des études de ces charmantes créatures. Une jolie personne de seize ans prit ses degrés en mathématiques ; une autre fut examinée sur la philosophie morale ; elles rougissaient d’une manière si gracieuse et se montraient embarrassées ou interdites d’une façon si aimable, qu’un juge plus habile que moi aurait eu de la peine à décider jusqu’à quel point elles méritaient les diplômes qu’elles reçurent.

« Cette coutume de graduer les jeunes filles et de leur accorder des diplômes à la fin de leurs études était tout-à-fait nouvelle pour moi, et je ne me rappelle pas qu’un pareil usage ait jamais eu cours dans aucun autre pays. J’ai grand’peur que le temps accordé aux aimables graduées de Cincinnati, pour acquérir tant de sciences diverses, fût à peine suffisant pour en approfondir une seule ; trois mois de mathématiques et six d’économie politique, de philosophie, d’algèbre et de sections coniques doivent rarement, si je ne me trompe, avec la meilleure volonté de la part du maître et de l’élève, produire pour celle-ci un fonds de connaissances dans ces diverses sciences, capable de résister à la besogne de mettre au monde une demi-douzaine d’enfans et d’apaiser leurs larmes.


Voici un passage qui donnera une idée nette des résultats de cette ambitieuse éducation.


« Qu’on me permette de décrire ici la journée d’une dame de la haute société à Philadelphie, et l’on comprendra mieux la vérité des observations que je viens de faire.

« Je suppose que cette dame est la femme d’un sénateur ou d’un avocat très-occupé et d’une grande réputation ; elle a une très-jolie maison, avec un très-joli escalier et une très-jolie porte de marbre blanc, laquelle est garnie d’un bouton et d’un marteau d’argent ; elle a de très-jolis sa-