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REVUE. — CHRONIQUE.

les conseils et l’ambassadeur, après avoir toutefois honoré ce dernier d’une gratification sur laquelle il n’avait pas compté sans doute.

Vous le voyez, ce ne sont de tous côtés que dons et félicitations ; c’est bien, les petits cadeaux entretiennent l’amitié des familles comme celle des princes et des nations.

Mais nous, pauvre chroniqueur, qu’allons-nous donc offrir en étrennes à nos excellens lecteurs des Deux Mondes ? hélas ! une pauvre et simple chronique, un innocent résumé des derniers évènemens advenus dans les coulisses et dans le monde artiste et littéraire ; puis, les arrérages de cette petite rente scandaleuse soldés pour l’an de grâce 1832, la promesse de la leur servir exactement et de notre mieux de quinzaine en quinzaine en l’an de grâce 1833.

Le tribunal du commerce n’a pas encore rendu son arrêt dans l’affaire du roi s’amuse ; mais la cause est instruite et plaidée. Après son avocat, M. Odillon Barrot, M. Victor Hugo a parlé lui-même ; — il a parlé comme il écrit. La renonciation qu’il vient de faire à sa pension littéraire complète admirablement sa belle défense. De quoi lui serviront cependant contre M. d’Argout tant d’éloquence et de bon droit ? M. d’Argout n’a pas fait ce pas pour reculer. Ce ne sont pas seulement les drames que M. d’Argout confisque ; il confisque aussi les bals, et n’était le mauvais temps, il confisquerait, sans doute également les promenades. En vérité l’on se demande maintenant avec inquiétude où s’arrêtera l’avidité de ce ministre accapareur de nos plaisirs.

Le Théâtre-Français et le Théâtre national du Vaudeville nous ont donné, pour clore l’année, des représentations extraordinaires. Celle des Français, au bénéfice de mademoiselle Dupont, avait excité surtout un vif et universel intérêt. C’était vraiment, une solennité que cette représentation. Si d’un côté le monde élégant et fashionable garnissait les balcons et les loges de la salle, de l’autre, pas un des vieux habitués qui ont vu Fleury et mademoiselle Raucourt, pas une de ces respectables têtes qui ont blanchi à l’orchestre de la rue Richelieu, pas une ne manquait à l’appel. C’est qu’il s’agissait de juger cette audacieuse tentative de madame Dorval qui allait bien oser paraître à côté de mademoiselle Mars, dans l’Amant bourru de Monvel, cette pièce du bon temps de la comédie. Madame Dorval du boulevard ! Madame Dorval qui avait joué avec tant d’âme et de puissance Adèle, Marion Delorme, ces rôles indignes de la scène française, madame Dorval dirait-elle convenablement les vers de monsieur Monvel ? Madame Dorval marcherait-elle, comme il convient, sur les planches classiques ? Madame Dorval ferait-elle les gestes requis ? Madame Dorval lèverait-elle bien le bras à la hauteur voulue, donnerait-elle le coup de pied dans la queue de sa robe selon les saines traditions ? Madame Dorval se tiendrait-elle dignement devant la rampe et sans trop regarder ses interlocuteurs, ainsi que cela se pratiquait jadis pour plus de vérité ? — Telles étaient les hautes questions d’art qui s’agitaient d’avance à l’orchestre, et sans se prononcer formellement sur leur solution, trahissant involontairement sa pensée,