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REVUE. — CHRONIQUE.

dîner dans les restaurans et prêcher de par le monde en petites jaquettes noires, et pour plus de publicité, avec leurs noms écrits sur leurs gilets. À la voix du saint-simonisme les femmes nouvelles, sinon la femme libre, ont déjà surgi.

De son côté le fouriérisme a organisé une phalange, qui bêche et pioche dès à présent dans le département de l’Oise. C’est en ce mois de janvier que la trompe de dix-huit pieds, promise à tous les vrais phalanstériens, va commencer à leur pousser au bout du nez. On prétend même qu’à l’heure qu’il est, quelques-uns des plus fervens ont déjà un pied de trompe.

L’amable-belléisme et le bernardisme sont demeurés jusqu’à ce jour stationnaires. L’application de leurs doctrines semble du moins provisoirement ajournée.

Ainsi, M. Amable Bellée avait prophétisé le mutisme de la femme ; et nous n’avons pas ouï dire que la femme soit plus muette cette année que l’année dernière.

M. Amable Bellée nous avait également annoncé le prochain dessèchement des mers ; et sans parler des grandes, on n’a pas encore, que je sache, desséché la moindre petite mer ; il est vrai de dire que la saison a été fort humide, et que, si l’on n’a pas même pu opérer le dessèchement des rues de Paris, celui de l’Océan devait présenter plus de difficultés encore.

Le bernardisme, comme ne l’ont point oublié nos lecteurs, consiste à soulager la capitale du superflu de sa population, au moyen d’un massacre légal et annuel de trente mille vieillards. Le choléra s’étant à-peu-près chargé de cette besogne en 1832, et la saignée ayant été jugée suffisante, pour rétablir la circulation du sang, c’est pour cela, sans doute, que les chambres n’ont point jusqu’ici voté la fête des funérailles, proposée par M. Bernard de Dijon.

Quant au néo-christianisme, ce n’est vraiment encore qu’un enfant, et un enfant qui marche avec des lisières. La réforme capitale qu’il nous prédit nous semble d’une exécution bien difficile, et nous aurons probablement obtenu la fête des funérailles, le dessèchement des mers et le mutisme de la femme, avant la moralité de la police.

Quelques mots encore sur nos religions et nous avons terminé.

Un régent de cinquième, ardent républicain, dont nous tairons le nom et la résidence, attendu que nous ne le voulons nullement brouiller avec son ministre, M. Guizot ; bref, un régent de cinquième, qui se déclare notre concitoyen, nous écrit, en date du 23 décembre dernier, qu’il nous juge peu favorables aux nouvelles tentatives religieuses, mais que, comme nous sommes des savans et des philosophes distingués, il croit pouvoir nous ouvrir son cœur et ses idées de régénération sociale.

C’est beaucoup d’injustice et d’honneur que nous fait à la fois notre concitoyen. Tout ressentiment et toute modestie à part, nous répondrons néanmoins à sa confiance, en transmettant à nos lecteurs les tentatives religieuses qu’il nous envoie par la poste.

« On se donne bien du mal pour inventer des religions, dit notre