Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
135
IL PIANTO.

Des membres demi-nus, penchés de toutes parts,
Et les flancs tout ridés comme ceux des vieillards.

Ô superbes fiévreux, gras habitans du Tibre,
Enfans dégénérés d’un peuple qui fut libre,
Je ne viens pas chercher à vos tristes foyers
De mâles sénateurs et d’antiques guerriers,
Le dévoûment sans borne à la mère chérie
Que vous nommiez jadis du beau nom de patrie,
La croyance éternelle aux murs de Romulus,
L’auguste pauvreté, les rustiques vertus,
Et la robuste foi, qui, sur un crâne immonde,
A bâti huit cents ans la conquête du monde ;
Tous ces fiers élémens et du grand et du beau
Ne peuvent plus entrer dans votre étroit cerveau.
Ce que je veux de vous, ce sont de saints exemples,
C’est le respect aux morts, c’est la paix aux vieux temples.
Or donc, assez long-temps, sur ce terrein hâlé,
Vieille louve au flanc maigre, Avarice a hurlé ;
Assez, assez long-temps, sans pudeur et sans honte
Vos pères ont sucé ses mamelles de fonte ;
Dans Rome, assez long-temps, prélats et citoyens,
Se ruant par milliers sur les temples païens,
Ont violé le seuil des royales enceintes,
Volé les dieux d’airain, fondu les portes saintes,
Et comme des goujats avides de trésors,
Jusqu’au dernier lambeau déshabillé les morts.
Maintenant tout est fait : ruines séculaires,
Leurs murs ne peuvent plus tenter les mains vulgaires,