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REVUE DES DEUX MONDES.

Ce beau ciel pur et chaud qu’on aime tant à voir,
Les pâleurs du matin et les rougeurs du soir,
Les coteaux bleus du golfe, et sur ses belles lignes,
Les barques au col blanc, nageant comme des cignes ;
Et Pausilippe en fleurs, et Vulcain tout en feux,
Et tous mes souvenirs, mon enfance et mes jeux,
Rien ne peut animer le sombre de ma vie :
La riante couleur à mes doigts est ravie,
Le ton noir et brumeux domine en mes tableaux,
J’ai brisé ma palette, et, jetant mes pinceaux,
Par la campagne ardente et nos pavés de lave,
Au soleil de midi, j’erre comme un esclave

LE PÊCHEUR.

Ô frère ! je comprends et tes soupirs profonds,
Et pourquoi comme un fou tu frappes des talons ;
Pourquoi tes cheveux noirs, hérissant ton visage,
Sur ton manteau troué répandent leur ombrage ;
Pourquoi la pâleur siége à ton front soucieux,
Et fait, comme un voleur, que tu tournes les yeux.
Va, tu n’es pas seul à baisser la paupière, —
Mon corps, tout brun qu’il est, n’est pas non plus de pierre,
Et je sens comme toi, sous sa rude épaisseur,
Que notre ciel n’a pas de miroir en mon cœur.
Eh ! qui peut aujourd’hui prendre un habit de fête,
De pampre et de raisin se couronner la tête,
Et, levant par le coin un rouge tablier,
Danser la tarentelle à l’ombre du hallier ?