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REVUE DES DEUX MONDES.

Il faut de notre sang engraisser les abus,
Des fripons et des sots supporter les rebuts ;
Il faut voir aux clartés de la pure lumière
Des choses qui feraient fendre et crier la pierre ;
Puis, dans le creux des doigts enfermer avec soin
Son âme, et s’en aller gémir en quelque coin ;
Car la plainte aujourd’hui vous mène au précipice,
Aux doux épanchemens le sol n’est point propice,
Notre terre est infâme et son air corrupteur,
Sur deux hommes causans, enfante un délateur.

LE PÊCHEUR.

Toujours, ô mon Rosa ! toujours les vents contraires
Ne déchireront pas la voile de nos frères,
Des célestes balcons, les dieux penchés sur nous
Souffleront moins de bise et des zéphirs plus doux.
S’ils sont justes là-haut, s’ils régissent la terre,
Ils prendront en pitié notre longue misère ;
Ils ne laisseront pas les bras tendus en vain,
Toujours les braves gens en guerre avec le pain ;
Ils ne laisseront pas du haut de sa mantille
L’avarice espagnole insulter la guenille ;
Nous n’irons pas toujours, comme des chiens honteux,
Le long du Mercato, sous ses antres bourbeux,
Chercher à nos petits un peu de nourriture :
Nous qui suons le jour et couchons sur la dure,
Qui n’avons ici-bas que la peine et le mal,
Nous n’irons pas toujours mourir à l’hôpital ;