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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

tution de l’an iii. Ces disputes historiques vous étonnent beaucoup en Angleterre ; mais que voulez-vous, nous en sommes encore où vous étiez, non plus en 1688, mais à l’époque de l’établissement de votre magna charta, et nous traitons journellement, comme choses pressantes et actuelles, les questions fondamentales de notre ordre public. Je sais que M. Royer-Collard et ses amis doctrinaires, avec leur manie de remonter aux sources de l’histoire, et de citer tous les siècles à leur tribunal, à propos de la plus mince motion, ne seraient pas supportés en Angleterre où la métaphysique est rejetée du domaine des affaires. On peut dire que les enfans seuls dissertent sur les règles de la grammaire, et la nation anglaise est trop vieille en matière de gouvernement représentatif, pour s’arrêter aux prolégomènes. Quant à nous, il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas plus de quarante ans, la nation française en était encore à promulguer son bill des droits, et à l’afficher à la porte de chaque cabaret. Sous la restauration même, les doctrinaires ne firent pas autre chose ; seulement ils le mettaient à la porte des salons, et se livraient à un petit jacobinisme élégant et intérieur, dont le résultat les effraie fort aujourd’hui. Les questions de constitution et de bases de l’état, qui ne sont jamais agitées chez vous, forment ici l’aliment habituel de la politique. On discutait donc beaucoup, il y a peu de jours, sur la constitution de l’an iii, et deux feuilles, l’une accréditée par le ministère, et l’autre très influente dans l’opposition, soutenaient contradictoirement que la France n’avait jamais été moins libre que durant les cinq années où cette constitution fut en vigueur : au contraire, disait-on plus loin, jamais constitution n’avait renfermé tant d’élémens de liberté ; ce qui peut être vrai de part et d’autre. Je ne veux pas juger si de telles discussions sont bien opportunes et bien utiles dans les journaux qui ont à traiter, chaque jour, des affaires du moment ; mais, pour moi, je dois vous dire quelques mots de cette constitution à laquelle Benjamin Constant rattacha ses premiers travaux politiques.

D’abord, de toutes les constitutions qui se sont amoncelées dans nos archives, il n’en est pas une qui ait été conçue et acceptée plus librement. Au moment où elle s’élabora, la Convention, entourée de partis, n’était dominée réellement par aucun, car la réaction