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du 9 thermidor s’était ralentie, et les jacobins, qui luttèrent encore deux fois depuis avec les républicains modérés, n’étaient pas sans influence. Presque tout le monde, presque tous ceux qui maniaient les affaires du moins, voulaient la république et la liberté. L’esprit romain de la vieille Convention s’en allait, il est vrai ; mais il en restait assez pour marquer la constitution nouvelle d’une empreinte antique, qu’on retrouvait facilement dans la composition de ce conseil des anciens, où n’entraient que des hommes âgés au moins de quarante ans, tous ou veufs ou mariés. N’était-ce pas là pur esprit de famille de la législation romaine ? Le retour aux idées de convenance et d’ordre était marqué par cette disposition qui voulait que les mariages de tous ces hommes anciens eussent reçu la sanction légale ; aux formes gouvernementales anglaises dont l’énergique Convention avait jusque-là tant méprisé les lenteurs, par cette condition d’une triple lecture préalable, appliquée à tous les projets de loi. La part de l’esprit populaire se trouvait dans le principe d’élection établi pour tous les emplois, depuis la charge suprême de directeur jusqu’à la modeste institution des juges de paix ; enfin la crainte de l’ochlocratie, qui était la frayeur dominante du temps (car chaque époque a sa frayeur), avait fait confier la composition du pouvoir exécutif à une double élection, tant on redoutait de la livrer aux masses. L’interdiction de toute société populaire, tenant séance publique, avec des tribuns et des affiliations, et l’expulsion irrévocable des émigrés, montraient assez à quels partis opposés le pouvoir constituant était en butte ; mais l’opinion publique, ne permettant plus les moyens arbitraires, il accorda néanmoins, de bon gré, j’aime à le croire, la liberté illimitée de la presse, et les franchises municipales les plus étendues.

Quand cette constitution, qu’on pourrait nommer éclectique, fut achevée, elle fut envoyée à l’acceptation de toutes les assemblées primaires, et, notez bien ceci, aux armées, qui devaient la voter sur les champs de bataille où elles se trouvaient. Ainsi un jour, sur les lignes du Rhin, dans l’ouest, sur les Alpes, on put voir les soldats de Jourdan, de Hoche, de Kellermann et de Schérer, quitter tout à coup leurs armes, à la vue des chouans et de tous les ennemis de la France, et se former en comices paisibles pour donner des institutions à leur patrie, sur le champ où ils lui avaient donné la