Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
18
REVUE DES DEUX MONDES.

fortement, qu’il eut peine à parler d’abord, et qu’il resta quelques instans à la tribune, l’œil étincelant, les narines ouvertes, et soufflant comme un lion qui se prépare à combattre. Il faut savoir que M. Mauguin avait accusé la police d’avoir excité et nourri cette émeute. Casimir Périer n’hésita pas à rejeter l’émeute sur M. Mauguin lui-même. — « Nous aurions désiré, dit-il, que M. Mauguin, quand il est monté à cette tribune pour demander des explications, eût bien voulu s’expliquer sur-le-champ lui-même ; peut-être l’agitation qui règne en ce moment dans la capitale, n’aurait pas eu lieu ! » Le murmure qui s’éleva à ces mots sur les bancs de l’opposition, lui rendit sa présence d’esprit et un peu de calme, en lui prouvant que ses ennemis se sentaient blessés des coups qu’il leur portait. Se tournant alors vers ses amis, vers le centre qui trépignait d’admiration : « On a parlé de danger pour vos délibérations, dit-il, n’y croyez pas, messieurs ! nous sommes chargés de vous défendre. Vous êtes sous la protection de l’armée, de la garde nationale qui, en criant vive la Pologne, criait aussi vive le Roi ! » — À ces mots, il se mit à crier de toutes ses forces : Vive le roi ! vive la France ! Les centres crièrent à tue-tête : Vive le roi ! vive la France ! et le ministre, content de son discours, descendit de la tribune.

À ce récit, rien ne semble plus ridicule. Eh ! bien, rien n’était plus imposant. L’émotion de Casimir Périer, la chaleur de son apostrophe, l’impossibilité où il était de parler d’une manière suivie, ce poing qu’il levait avec fureur contre les bancs de l’opposition, le danger qu’il avait couru le matin de ce même jour où il avait failli périr sur la place publique (on l’avait cru du moins), le bruit du tambour et les rumeurs qu’on entendait au dehors, tout, jusqu’à l’obscurité qui régnait dans la salle, contribuait à faire de ce moment l’une des scènes les plus solennelles de notre histoire parlementaire, une de ces scènes dont votre Chambre des communes, plate et oblongue, ne peut vous fournir d’exemple. Ces sortes de discussions sont à-peu-près inexécutables dans le parlement d’Angleterre, pays assez paisible d’abord, où les allocutions se font en s’adressant au président, tierce personne désintéressée, où l’on parle de son banc en n’interpellant jamais son adversaire par son nom propre, et séparé seulement de lui par la longueur