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libérale du 5 septembre. C’est en Angleterre qu’il écrivit ses mémoires sur les Cent-Jours.

Benjamin Constant signala sa présence à Paris, comme d’ordinaire, par une brochure, le Traité de la doctrine politique, que madame de Staël l’engagea à écrire pour réfuter le fameux écrit de M. de Châteaubriand, la Monarchie selon la charte. Cet écrit eut un grand succès, mais madame de Staël étant tombée malade, son auteur se retira dans la solitude. Il cessa de paraître dans les salons politiques, où il était si recherché, et malheureusement la passion du jeu qu’il nourrissait depuis long-temps, se développa en lui d’une manière effrayante. On le voyait alors passer les nuits entières au cercle des étrangers et en d’autres maisons de jeu relevées, comme chez le comte de Castella et plusieurs autres personnes de distinction qui avaient établi une table de roulette dans leurs salons, et là, risquer, sur un chiffre, des sommes considérables. Un fait singulier, et fort ignoré, je crois, c’est qu’il dut au jeu sa qualité de député. Il fallait alors payer mille francs de contributions directes pour être éligible, et Benjamin Constant était loin de pouvoir figurer dans cette catégorie. Quelques heureux tours de roulette lui valurent, un peu avant les Cent-Jours, une somme si forte, qu’il put acheter, avec son gain, la maison rue Neuve-de-Berry, première cause de son éligibilité. On crut long-temps, et on croit encore que M. Lafitte avait passé cette maison sous son nom, pour le faire entrer à la chambre. M. Lafitte l’eût fait sans doute, mais il n’en fut rien. Le vice est parfois bon à quelque chose.

Vous dirai-je sa vie politique de la restauration, triste et glorieuse à la fois ; ces quinze années passées le jour à la Chambre et à la tribune, la nuit à son pupitre ou au jeu ; ces labeurs sans fin, entremêlés de quelques triomphes et de nombreuses amertumes ? Vous pensez bien qu’il n’est pas possible de fouiller dans ses innombrables discours sur toutes les questions, dans le monceau de brochures et de livres que ce glorieux écrivain a laissés derrière lui. Il faudrait faire soi-même un livre, si on voulait le montrer écrivant sur la législation de la presse, puis sur les élections ; travaillant tour à tour au Mercure, aux Annales des Chambres, à la Minerve, aux Tablettes, au Courrier français, au Temps ; formant des comités électoraux, résistant de la plume et de la voix à toute la so-