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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

ciété de la presse, qui le repoussait de la Chambre en lui disant qu’il était plus utile au dehors ; ayant à combattre ses propres amis qui lui aliénaient les électeurs, et portaient Ternaux et Manuel ; s’il fallait le suivre dans ces sessions, où son premier discours fut en faveur de la liberté de la presse, ainsi que le dernier qu’il prononça huit jours avant de mourir ; l’écouter dans ses débats avec le côté droit et la petite Montagne qui se formait au sein de la Chambre ; dans l’affaire de Grégoire, où il déclara à ses amis qu’il défendrait Grégoire à la tribune, quoiqu’il eût vu avec peine son admission, mais qu’il était convaincu que pas un de ceux qui avaient voulu qu’il fût élu et qu’il persistât dans son élection, ne parlerait ni même ne voterait pour lui, ce qui arriva. Cette histoire des réunions du parti libéral de la Chambre serait aujourd’hui bien intéressante à faire, et ce n’est pas Benjamin Constant, dont on blâmait au dehors la modération, qui y jouerait le mauvais rôle. Ainsi, il s’opposa de toutes ses forces, dans une de ces réunions qui eut lieu chez M. Lafitte, à la demande d’accusation contre M. Decazes, à propos de la mort du duc de Berry, et il eut le bonheur de faire revenir ses amis sur cette folle résolution, qui les eût livrés, encore plus qu’ils ne le furent, à la discrétion du parti ultrà. M. Decazes lui-même aurait eu besoin des conseils d’un ami aussi éclairé et aussi prévoyant, lorsqu’il alla proposer aux Chambres des lois d’exception, au profit du parti qui le chassa le lendemain. Mais tout le monde fit alors de grandes fautes, et plus tard Benjamin Constant en commit une encore plus forte, en s’unissant, avec son parti, au côté droit, pour renverser le ministère de M. Pasquier. En un mot, c’est l’histoire de toute la restauration qu’il faudrait faire, si on voulait écrire celle de Benjamin Constant ; car il ne se passa pas un évènement où il ne prit la plus grande part, courant souvent des dangers personnels, comme à Strasbourg en 1827 et dans son affaire de Saumur, lorsque la maison qu’il habitait fut assiégée par les officiers de l’école de cavalerie ; ou ayant à répondre à toutes les persécutions et à toutes les avanies, comme celle qu’on lui fit en 1824, quand on lui contestât la qualité de Français, lui qui avait été magistrat suprême et député de la nation : vie d’efforts inouïs, qui, loin de l’épuiser, semblait lui donner de nouvelles forces, quoiqu’il eût à lutter aussi souvent contre son