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LITTÉRATURE SANSCRITE.

devoir ; et ce n’est pas beaucoup exiger de la critique que de lui demander d’apprendre avant que de juger.

Pour moi, messieurs, je pense, à l’honneur de l’érudition, que les travaux des hommes savans qui ont dévoué leur vie à l’étude de l’Inde, ne seront pas stériles pour l’histoire ancienne de ce pays. J’ai l’espérance que la réunion de tant d’efforts finira quelque jour par reconstruire la plus brillante et peut-être la plus riche histoire littéraire qu’un peuple puisse offrir à la curiosité et à l’admiration de l’Europe. Sans doute, ce que nous en savons est bien peu de chose en comparaison de ce que nous n’en savons pas ; mais, nous pouvons le dire avec une juste confiance, si nous ne savons pas tout encore, nous n’ignorons pas non plus absolument tout. Le but dont la possession devra récompenser nos peines se dérobe en partie à nos regards, mais nous avons la certitude qu’il n’est pas inaccessible ; et déjà même nous pouvons entrevoir par quelle route il nous sera possible d’y atteindre.

Que les monumens de la littérature indienne soient tous traduits ou explorés par la critique, que les bibliothèques de l’Europe en acquièrent la collection complète, que la langue en soit aussi généralement étudiée et connue que celle de quelques autres nations cultivées de l’Asie, alors on pourra présenter le tableau de cette littérature, et faire ainsi connaître le vieux peuple, qui a su la conserver jusqu’à nous. Le manque d’ouvrages historiques laissera certainement dans ce tableau des lacunes considérables ; mais les grands traits de l’histoire politique et civile de l’Inde ressortiront en partie de l’histoire des idées, et d’ailleurs la possession de la seconde consolera peut-être le philosophe de la perte de la première. Le système religieux, les traditions historiques, les lois et les usages s’éclaireront de la lumière qu’aura fait naître la comparaison suivie des productions si diverses de la littérature sanscrite. Ainsi, s’appuyant sur des documens nombreux et décisifs, l’historien reconnaîtra l’Inde antique du Mahâbhârata et du Râmâyana dans l’Inde telle qu’elle nous apparaît au commencement du onzième siècle de notre ère, au temps de l’invasion musulmane. Quatorze siècles avant cette époque, il la retrouvera encore dans les descriptions qu’en rapportèrent en Grèce les compagnons d’Alexandre ; et il pourra, dès-lors, affirmer