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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

mêmes à la chasse avec nos Indiens. Dans une de ces excursions, nous tombâmes sur un jeune couguar, occupé à dévorer une biche qu’il venait de surprendre. En nous voyant, il grimpa sur un arbre d’où un de nos Indiens le fit tomber d’un coup de fusil. Cet individu est le seul de cette espèce que j’aie vu dans le cours de mon voyage, bien que j’aie souvent entendu ses cris, ainsi que ceux du jaguar, le matin au lever du soleil et le soir à l’entrée de la nuit. On se fait généralement, en Europe, une idée exagérée des dangers auxquels est exposé l’homme par la rencontre de ces animaux dans les forêts de l’Amérique. On peut y errer long-temps sans en rencontrer aucun, et je regarde comme très douteux certains récits de voyages où les périls de ce genre se reproduisent à chaque pas. Tous les animaux féroces, sans exception, craignent l’homme et fuient sa présence, à moins qu’ils ne soient pressés par la faim. Son regard exerce sur eux une sorte de fascination à laquelle ils ne peuvent se soustraire. M. Caillé a fait pour l’Afrique la même remarque, et son témoignage s’accorde parfaitement avec ce que je viens de dire.

La manière de chasser des Indiens est très différente de la nôtre. Bien qu’ils élèvent quelques chiens, ils ne s’en servent jamais pour la chasse, et ne s’en rapportent qu’à leur vue perçante pour découvrir le gibier dans la profondeur des forêts. Le chasseur, son arc à la main et l’œil aux aguets, marche à pas lents, sans que le bruit des feuilles ou des petites branches sur lesquelles il pose le pied, avertisse le gibier de sa présence. Aperçoit-il de loin un paca, un agouty ou une biche, il s’arrête, la flèche part, et l’animal est frappé sans que ses pareils qui sont dans le voisinage en aient connaissance. L’Indien va le ramasser en silence ou le laisse sur place pour le prendre au retour, et continue sa chasse. Il faut beaucoup d’habitude pour marcher ainsi sans bruit dans le bois, et je n’ai jamais vu de blancs qui pussent y parvenir, même en allant pieds nus comme les Indiens.

L’un des fils de Paranapouna, outre le collier et les bracelets de rasades qui formaient sa parure habituelle, paraissait quelquefois devant nous la tête couverte d’une poudre d’une blancheur éclatante. En examinant de près cette substance, que je prenais pour du sisipà ou fécule de manioc, je m’aperçus que cette prétendue poudre était un duvet d’oiseau pour ainsi dire impalpable, et j’ap-