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range aussi, nous autres, foule grossière que nous sommes ; grand merci M. le comte !

Le Salmigondis, qui n’en est pas encore à son neuvième volume comme le Livre des Cent et un, nous a tenu jusqu’ici la poésie haute. Ouvrez, si vous avez bon courage, ses trois derniers volumes ; vous n’y trouverez point de ces vers parfumés de mauvais goût et de mauvaise aristocratie, comme les sait si bien faire M. le comte Jules de Rességuier. En revanche, vous y rencontrerez nombre d’histoires écrites en assez méchante prose, les unes se déclarant avec humilité traduites de l’allemand ou de l’anglais, les autres se prétendant originales ; toutes d’ailleurs s’intitulant contes ou nouvelles, à leur choix, selon leur bon plaisir, selon qu’il leur plaît d’être contes plutôt que nouvelles, ou nouvelles plutôt que contes.

Ce n’est pas qu’au milieu de ce fouillis quelques morceaux remarquables ne se soient fourvoyés. Mais qu’allaient donc faire là, bon Dieu ! Maria Rosa de madame de Bawr, la Rose rouge de M. Dumas, Est-ce vous ? de M. ***, le Portrait de Napoléon de Wilhem Hauff, le petit Zacharie d’Hoffman ? Lorsqu’on a tant de mérite et de précieuses qualités, pourquoi se compromettre en une telle cohue ?

Quant à la pièce qui a pour titre : Une Aventure de Shakespeare, ne félicitez pas, je vous prie, Jean-Paul d’en être l’auteur, bien qu’elle soit signée de ses noms. C’est à M. Alphonse Brot qu’appartient tout l’honneur de cette composition. M. Alphonse Brot en avait gratifié Jean-Paul comme il en aurait pu gratifier Goëthe ou Walter Scott. M. Alphonse Brot se repent aujourd’hui de sa libéralité. Il nous somme de déclarer qu’il est bien et dûment le propriétaire et l’auteur d’une Aventure de Shakespeare. Rien de plus juste. Rendons à M. Alphonse Brot ce qui appartient à M. Alphonse Brot.

Le Livre des Conteurs, dont le premier volume a seul encore paru, s’est chargé de s’inaugurer et de s’apprécier d’avance lui-même dans une manière de préface, sinon bien modeste et réservée, au moins fort naïve et des plus curieuses. Cette préface nous apprend que les conteurs du livre, conteurs de tous les formats, l’élite de nos conteurs, s’étant un soir réunis en assemblée extraordinaire, se sont d’abord constitués pléiade de Conteurs. Nous sommes les vrais conteurs et les seuls, ont-ils déclaré ; nul ne fera des contes hors nous et nos amis.

Cela dit, nos conteurs se montrèrent dans leur nature d’hommes du monde, et non dans leur nature de réserve. Quiconque, s’écrie alors la préface, ne les eût point connus personnellement, et les sachant près de soi, eût voulu, d’après leur physionomie et leurs discours, trouver d’inspiration le nom de chacun d’eux, se fût, certes, préparé un grand désappointement.