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tant confondus les insignes de l’admiration de tous les peuples, comme s’ils les eussent réunis à plaisir pour en faire un magnifique et bizarre trophée à la plus vaste gloire qui fut jamais.

Après avoir recherché les origines, et, pour ainsi dire, la matière de la littérature française au moyen âge, il reste à en suivre les effets sur les autres littératures.

La poésie chevaleresque se répand presque en même temps par toute l’Europe : l’Italie est la plus prompte à la recevoir de nous. Dès le treizième siècle, les paladins de France, les héros de Charlemagne, fournissent le sujet de récits et de chants qui ont cours au-delà des Alpes. Bientôt toutes ces aventures qu’avaient racontées nos troubadours et nos trouvères, sont célébrées dans une foule d’épopées qui perpétuent en Italie la tradition chevaleresque née en France, jusqu’à ce que deux hommes lui impriment un caractère nouveau. Pulci ose donner place à la plaisanterie entre les récits incroyables et les réflexions dévotes de la légende ; Boyardo y introduit l’intérêt romanesque, et c’est ainsi métamorphosés que les héros de Turpin arrivent aux mains de l’Arioste. Tout en se jouant de ses personnages et de ses récits avec une grâce que Pulci n’avait point connue, tout en laissant bien loin derrière lui les plus aimables inventions du Boyardo, l’Arioste ne s’en rattache pas moins, par ces deux hommes et par leurs prédécesseurs, à notre vieille poésie chevaleresque, dont son imagination ingénieusement naïve a plus conservé ou mieux retrouvé qu’on ne croit d’ordinaire, l’allure naturelle et facile, et ce mouvement à-la-fois continu et varié d’un récit qui s’interrompt sans cesse et ne s’arrête jamais. Dès ce moment, la poésie chevaleresque ne peut plus être qu’une poésie badine ; l’Arioste, qui lui a prêté tant de rians prestiges, l’a dépouillée sans retour de tout prestige sérieux. Cependant, avant de s’éteindre, cette noble poésie chevaleresque, ranimée au nom des croisades françaises, qui lui rappelait son origine un peu oubliée, jettera encore un dernier rayon, le plus brillant peut-être, sur la classique épopée du Tasse.

L’Italie avait également reçu de la Provence ses premières inspirations lyriques. En partant de nos troubadours, nous arriverons à Pétrarque, comme nous avons été conduits à l’Arioste et au Tasse. Il n’est pas jusqu’au Dante dont l’œuvre colossale n’ait quelques