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LES BOUQUETS.

— Donnez-moi vos bouquets, m’écriai-je, ma chère ; et ne me remerciez pas au moins, car je ne vous les paie point ce qu’ils valent.

Et les mettant en mon sein, tout à la pensée d’expiation qui venait de briller à mes yeux ainsi qu’un éclair, je m’élançai dans un cabriolet de place qui passait, et me fis conduire chez madame de Nanteuil au plus grand galop du cheval.

VI.

Il était minuit quand je descendis à l’hôtel de madame de Nanteuil.

Je montai rapidement, et traversant en courant ses appartemens, je ne m’arrêtai qu’à la porte de sa chambre à coucher. Elle était entr’ouverte. J’entrai doucement et sur la pointe du pied.

Madame de Nanteuil s’était déjà fait déshabiller. Enveloppée dans un grand peignoir de batiste garni de petit tulle, elle était assise devant la cheminée sur sa causeuse, sa jolie tête blonde coiffée pour la nuit, penchée sur sa poitrine. J’arrivai tout près d’elle sans qu’elle m’eût entendu.

Elle n’était point assoupie ; elle semblait plongée dans quelque profonde rêverie.

Tout d’un coup elle étendit le bras vers le bouquet du spectacle, ce malheureux bouquet qui était à côté d’elle sur la causeuse ; elle le prit de la main gauche, le regarda quelques instans ; puis de l’autre main, elle en arracha une à une plusieurs roses qu’elle jeta dans le feu. Les pauvres fleurs criaient et se tordaient au brasier, puis étaient dévorées par les flammes.

Mais ses doigts venaient de saisir la fleur de camélia. Sans doute elle allait l’arracher aussi. — Je ne pus me contenir davantage.

— Oh ! Marie ! m’écriai-je, grâce pour cette fleur et grâce pour moi aussi.

Madame de Nanteuil poussa un cri et se leva soudain en se re-