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ROME ET NAPLES.

mont, à Rome et à Naples l’instruction est dirigée par les jésuites. L’Autriche même, qui n’avait pas voulu jusqu’ici de moines en Lombardie, vient de sentir la nécessité de faire cause commune avec eux : elle a reçu dernièrement les jésuites à Vérone. Il n’est sorte de vexations qu’on ne fasse subir aux étudians : on les envoie aux processions escortés par des gendarmes ; on exige des billets de confession de ceux qui se présentent aux examens. On fait la guerre aux ouvrages qui sont une des gloires nationales. Dans une province, le gouvernement s’acharne contre la mémoire de Dante ; dans une autre, les bibliothèques publiques refusent la lecture de Guicciardini, de Machiavel, de Galilée. Les médecins ne peuvent s’occuper qu’en secret de physiologie et d’anatomie comparée, parce qu’on prétend que ces sciences sont contraires à la religion. Les élèves en droit sont forcés d’étudier, du matin au soir, le droit canon ; mais point de droit public, point de droit des gens, ni d’économie politique. D’ailleurs, entre les étudians et les gouvernemens, il n’y a d’autres rapports ni d’autres liens que ceux qui s’établissent par les sbires et les gendarmes. Et après tout cela les gouvernans paraissent étonnés que la jeunesse leur soit hostile ! Au lieu de préparer des améliorations graduelles, on irrite les esprits, on voit même avec un secret plaisir les commotions, parce qu’on est sûr de pouvoir toujours employer un dernier argument : la force brutale, les baïonnettes étrangères et le bourreau !

Mais les Italiens ne se laisseront pas décourager par les obstacles ni par les persécutions. Ils sentiront que si la violence étrangère leur refuse encore la gloire de redevenir une grande nation, ils peuvent payer une autre dette à la patrie. Qu’ils cultivent les lettres et les arts ; qu’ils en ressaisissent encore le sceptre, qui n’aurait jamais dû sortir de leurs mains. C’est en se livrant avec persévérance aux études sévères, qu’ils doivent attendre le jour de la régénération nationale.


G. Libri.