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DU VANDALISME EN FRANCE.

Jean xxii est devenu une caserne du maréchal Soult, si, à ces fenêtres, où paraissait la figure radieuse des pontifes pour jeter une bénédiction solennelle urbi et orbi, l’œil n’aperçoit plus aujourd’hui que des baudriers, des équipemens de soldat se séchant au soleil ; si ces salles, autrefois remplies de cardinaux, d’évêques, de fidèles, accourus de tous les points du monde chrétien, sont en ce moment des cuisines, des ateliers, on a le droit de gémir et de maudire tout bas le siècle qui a pu faire une saisie si amère, une confiscation si violente de tout ce qu’il y a de plus doux dans la mémoire des hommes. »

Notez qu’il n’y a aucune excuse, aucun prétexte pour cette froide barbarie. Il n’y a pas une de ces pierres pontificales qui ne soit blanche, solide, adhérente aux autres, comme si elle avait été posée hier ; elles ont essuyé cinq cents hivers comme un jour ; le temps s’est incliné devant elles et a passé outre. Il a fallu que la chétive main du pouvoir vînt tout exprès souiller et vexer cette grande chose.

Un sort plus triste encore, s’il est possible, attend le château d’Angoulême, bien moins vaste et moins grandiose, mais à qui sa position admirable et ses souvenirs chevaleresques auraient dû concilier le respect des siècles. C’est là qu’expira avec gloire la féodalité armée, lorsque le duc d’Épernon, qui en était gouverneur, y conduisit la veuve de Henri iv, et y maintint, contre toutes les forces royales, les droits d’une femme et de son épée. Il en reste encore trois fort belles tours qui renferment des salles renommées pour leur beauté et leur étendue, décorées des insignes de la maison de Lusignan, qui les fit construire. Le public n’y est plus admis, parce qu’on en a fait un dépôt de poudre à canon. Le tout doit être abattu, sauf la tour du télégraphe, afin que la ville d’Angoulême puisse posséder une rue Louis-Philippe, qui permette de voir de la place du marché la nouvelle préfecture, laquelle a un toit en ardoises et six paratonnerres.

À Foix, il y a pis que destruction, il y a restauration et même construction. Imaginez-vous une seconde édition des méfaits de la Conciergerie à Paris. Au milieu d’une noble vallée, resserrée par de hautes montagnes qui préludent aux Pyrénées, on voit un rocher isolé que baignent les ondes rapides de l’Ariège. Au pied de ce rocher, un charmant édifice du quinzième siècle sert encore de palais de justice ; sur son sommet s’élevait le château de ces fameux comtes de Foix qui luttèrent avec un si indomptable courage contre les rois de France et d’Aragon, et qui finirent avec ce Gaston, qui eût été le dernier des chevaliers, si Bayard ne lui eût survécu. Il reste de ce château trois très belles tours, à peu près isolées, d’époques différentes, mais toutes trois antérieures au quinzième siècle : elles jouissent d’une célébrité proverbiale dans toutes les contrées environnantes. Eh