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DU VANDALISME EN FRANCE.

milieu de rosaces sculptées. À côté se trouve la salle des Jeux Floraux, qui renferme la statue de leur fondatrice, Clémence Isaure. Cette statue a été enlevée au seizième siècle de dessus son tombeau, qui était à la Daurade. Elle est en marbre blanc, de grandeur naturelle, d’une sculpture simple et belle, et doit être postérieure de peu à la mort de Clémence Isaure, qui eut lieu de 1415 à 1420. On lit au-dessous sur une table d’airain son épitaphe, où est consigné le legs qu’elle fit aux capitouls, « à condition qu’ils célébreraient tous les ans les Jeux Floraux dans la maison qu’elle avait fait bâtir à ses frais, qu’ils y donneraient un festin et iraient répandre des roses sur son tombeau. » Peut-être aurait-on pu ajouter à cette inscription les deux dernières stances du lai touchant que M. Du Mège a découvert et lui attribue, et que sa gloire a si noblement démenti.


Soën, à tort, l’ergulhos en el pensa
Qu’ hondrad sera tostems dels aymadors ;
Mes jo saï ben que lo joen trobadors
Oblidaran la fama de Clamensa.

Tal en lo cams la rosa primavera
Floris gentils quan torna le gay tems ;
Mes del bent de la nueg brancejado rabens,
Moric, e per totjorn s’esfassa de la terra[1].


De Toulouse, dont les poétiques souvenirs ne rendent que plus honteux le vandalisme actuel, passons à Bordeaux, qui, tout industrielle et commerciale qu’elle est, offre mille fois plus de consolations et d’espérance à l’ami de l’ancienne architecture. Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait aussi des exemples déplorables de dévastation et de maladresse, mais au moins sont-ils contrebalancés par des travaux qui méritent vraiment le nom de

  1. « Souvent, à tort ; l’orgueilleux s’imagine qu’il sera honoré toujours par les poètes : mais moi je sais bien que les jeunes troubadours oublieront la renommée de Clémence. »


    « Telle en nos champs, la rose printanière fleurit gentille au retour des beaux jours ; mais tout à coup effeuillée et brisée par le vent de la nuit, elle meurt, et pour toujours s’efface de la terre. »


    Ce sont ces vers qui ont suggéré à M. de Jouy, dans son Hermite en province, l’ingénieuse observation que voici : « Si l’on n’y retrouve pas autant de feu que dans les chants de Sapho, c’est qu’une vierge de Toulouse ne doit pas s’exprimer comme une fille de Lesbos. »