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le Mississipi. À voir de loin ces immenses bâtimens rangés le long du fleuve avec leurs tuyaux élevés, et leurs nombreux rangs de fenêtres étagées les unes sur les autres, on les prendrait pour de grandes manufactures. C’est un spectacle vraiment imposant que ces bâtimens à haute pression, remontant le vieux père des fleuves, et lançant, en mesure et avec bruit, leurs blanches et épaisses bouffées de vapeur. Quand tout est silencieux, le soir, hors de la ville, on les entend une heure avant de les voir. Quelquefois un seul steamer remorque trois navires ensemble, soit pour les remonter à la Nouvelle-Orléans, soit pour les descendre à la Balise, et il faut voir avec quelle impétuosité et quelle vitesse ce monstre puissant du fleuve les entraîne avec lui, eux si humbles, si dépendans avec leurs vergues inclinées. Arrivé à la Balise, il les prend un à un, les lance au loin dans la mer, puis se retourne, et remonte en mugissant.

On ne quitte guère la Nouvelle-Orléans que par eau, et les moyens de transport sont aussi magnifiques que nombreux, car il y a près de cent vingt bâtimens à vapeur, employés sur le Mississipi et ses tributaires. Je partis de cette ville, le 25 mai, pour aller à Saint-Louis, dans l’état de Missouri, à quinze cents milles ou cinq cents lieues de distance, qui se parcourent en dix jours pour remonter, et cinq pour descendre. Un coup de canon annonça notre départ, et du haut de tous les steamers et des quais couverts de spectateurs, on nous envoya trois hurrah ! Quoique construit nouvellement et bon marcheur, notre gros Neptune n’était pas un des meilleurs et des plus beaux bâtimens du fleuve, car ces derniers vont tous à Louisville sur l’Ohio. Ils y portent le beau monde et la bonne société qui se dirige vers le nord pour y passer l’été, pour aller aux eaux de Saratoga, au Niagara, au Canada, etc. Je ne connais pas de manière de voyager plus douce, plus agréable, que sur ces bâtimens. Le soir on y danse ; on y fait de la musique comme dans un salon de la Chaussée d’Antin. Mais on ne rencontre que des marchands et des émigrans sur ceux qui vont à Saint-Louis.

Le Mississipi prend sa source dans les lacs de la Biche et de la Tortue, dans le 47° 42′ 4″ latitude nord. Sa source principale cependant est le lac des Cèdres, cinquante milles environ plus au