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courant et dépassa le but ; mais l’arrière y ayant touché, nous nous accrochâmes avec tant de force aux branches d’arbres du rivage, que nous parvînmes à arrêter le bac et à le fixer avec des cordes. Les chevaux furent dételés, et la voiture fut traînée par derrière, ce qui était assez difficile à cause de l’escarpement du bord. Cependant, à trois heures du matin, nous roulions de nouveau sur la route. Notre jeune cocher fut remplacé par un vieux, mais non moins hardi et non moins ivre, qui, avec quatre vigoureux ponies, nous menait avec une vitesse vraiment merveilleuse. Nous croyions en avoir fini avec les accidens de ce voyage, lorsqu’à la fin d’une descente, en faisant de vains efforts pour arrêter ses chevaux, il nous cria de monter sur l’impériale. Nous avions à peine eu le temps de mettre la tête aux portières, qu’ils s’élançaient tous les quatre au galop dans une creek impétueuse que nous avions devant nous. Heureusement nous n’eûmes dans la voiture que six pouces d’eau, qui s’échappèrent sur-le-champ par les trous pratiqués aux planches du fond, exprès pour ces sortes d’accidens, assez communs dans le pays. – Les bois que nous traversâmes pendant cette excursion sont de toute beauté ; je mesurai des platanes de trente pieds de diamètre. — Le 14 au soir, nous arrivâmes, toujours avec de détestables chemins, à New-Albany, sur la rive droite de l’Ohio, que nous traversâmes en bac, et en moins de trois milles nous atteignîmes enfin le turnpike-road (grande route), qui conduit à Louisville, d’où nous repartîmes le lendemain pour Pittsburgh.


Eugène Ney.