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SALON DE 1833.

aurons le martyre de saint Symphorien, et le Virgile dont M. Pradier, frère du statuaire, nous montrera la gravure, est dans une galerie de Rome.

Entre M. Ingres et M. Champmartin il faut placer les miniatures de madame de Mirbel. Malgré ses nombreux triomphes, elle ne se lasse pas d’étudier pour donner à sa manière une vérité plus complète et plus haute. C’est la seule miniature qui ait toute l’importance d’un portrait à l’huile. Elle aussi, elle interprète la nature, elle la prend à son heure la mieux inspirée et la plus féconde, elle saisit dans une figure la physionomie, c’est-à-dire l’expression normale, la signification poétique, le sens profond et intime, révélable seulement aux yeux de l’artiste et du philosophe. Elle sait que, pour le grand peintre, il y a des journées où le modèle ne se ressemble pas. Elle surprend le masque humain presque à la dérobée et ne le fait pas poser.

MM. Alfred et Tony Johannot ont compris, chacun à leur manière, qu’ils ne devaient pas épuiser leur imagination et leur verve dans les illustrations. Malgré la haute renommée de Smirke qu’ils pouvaient égaler, ils ont mieux aimé sacrifier à une gloire plus durable quelques années de réputation et de fortune. C’est bien, et nous devons leur en tenir compte. Dans le temps où nous vivons, il y a tant de cupidités qui se déguisent en idées ambitieuses, qu’on doit estimer très haut les abnégations et les sincérités. Le tableau destiné à la galerie du Palais-Royal, la duchesse d’Orléans annonçant la victoire d’Hastenbeck, est d’une coquetterie chatoyante. Mademoiselle de Montpensier vaut beaucoup mieux. La composition est mieux ordonnée, et la peinture plus solide. — Le tableau de M. Tony Johannot a des parties admirables. La petite fille et la vieille semblent échappées au pinceau de Wilkie, ou au crayon de Charlet.

M. Louis Boulanger, à qui son Mazeppa conquit, en 1827, une belle place parmi les peintres de l’école nouvelle, se présente cette année avec une riche collection d’aquarelles. Le choix et la vivacité des tons séduisent l’œil et risqueraient d’imposer silence à la critique. Cependant l’intérêt sérieux que son talent nous inspire exige que nous indiquions sincèrement les incorrections et les lacunes que la réflexion y découvre.