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SALON DE 1833.

MM. Chaponnière et Antonin Moine. Le premier, qui au dernier salon avait envoyé un groupe de Daphnis et Chloé plein de poésie et de naïveté, mais trop simple peut-être dans la disposition des lignes et des plans, a fait du duc de Nemours un buste charmant. La tête du jeune prince est d’une grande vérité ; je ne parle pas de la ressemblance, mérite vulgaire, bon tout au plus pour les extases de famille : je veux indiquer la souplesse et la minceur de la peau, l’âge des tempes, du front et des pommettes, choses si rebelles au ciseau quand le modèle n’est pas arrivé à une complète virilité, comme le savaient si bien les anciens, qui l’ont prouvé plus d’une fois. Les vêtemens sont disposés avec une élégance remarquable. Les statuettes du même auteur, les portraits de MM. Pradier et Tiolier, celui de mademoiselle Juliette, révèlent aussi de précieuses qualités. — Le buste de la reine, par M. Antonin Moine, résoudra une grande question dans l’histoire de la sculpture moderne. Après avoir admiré, comme nous l’espérons en toute sécurité, le masque, la coiffure, la robe, les plumes et la chaîne, personne ne voudra plus nier la convenance de notre costume, dans l’exécution d’un buste de femme. Les femmes de la cour de Henri ii, qui semblent, dans les galeries du musée d’Angoulême, attendre le retour des fêtes du vieux Louvre, ne sont pas plus gracieuses ni plus vraies. Sans plagiat, sans pastiche, sans mesquine imitation, M. Antonin Moine a trouvé moyen de rappeler la sculpture de la renaissance. C’est un grand bonheur, qui n’était réservé qu’à des études sérieuses. — Nous aurons plusieurs chicanes à faire sur l’architecture du masque, sur la solidité des masses principales, nous critiquerons peut-être certains détails d’ajustement ; mais il faut nous réjouir de cette nouvelle conquête de l’art moderne.

Ce rapide sommaire suffit à montrer toute l’importance du salon de cette année, et en même temps l’étendue et la difficulté des devoirs de la critique.

Outre l’analyse des ouvrages de peinture et de sculpture pris en eux-mêmes, outre l’intelligence et l’explication d’une toile ou d’un marbre, nous aurons à poser des questions plus générales et plus hautes, à conclure, du caractère de l’art dans notre époque, les besoins et les espérances des esprits, l’avenir prochain de la théorie