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a renouvelé sa puissance pour construire les cathédrales de Cologne et de Reims, de Durham et de Strasbourg, le palais ducal des doges et le château de Gaillon, l’architecture n’est pas encore épuisée. Après avoir substitué au libertinage fastueux de la régence et de Louis xv le pastiche mesquin des ruines romaines, après avoir placé au-devant du parlement de France le fronton de Jupiter Stator, il faudra bien qu’elle change de route, et qu’elle abatte elle-même les buissons du sentier, avant de faire un pas. C’est une erreur de croire que Guttemberg a tué Palladio. Il n’en est rien. Car depuis Louis xi jusqu’à Louis xiii, l’architecture a marché aussi bien que de Pisistrate à Périclès, depuis le jour où les poèmes d’Homère furent réunis pour la première fois, jusqu’au jour où le vieux Sophocle fut vaincu par le jeune Euripide.

La dernière école musicale d’Italie agonise et va mourir. L’artiste prodigieux qui succède dans l’histoire à Mozart et Cimarosa jouit, dans le silence, de sa gloire aujourd’hui incontestée, mais prévoit lui-même que son règne finit. Il a mis à bout l’ivresse des sens ; il faut maintenant que le cœur ait son tour. Est-ce dans les cendres de Beethowen qu’il faut aller chercher le secret encore irrévélé ? Je ne sais, mais j’incline à croire que don Giovanni, Oberon et le Matrimonio auront sur le génie inconnu que nous attendons une influence aussi directe que la symphonie pastorale ou la symphonie héroïque.

La peinture n’échappera pas à cette loi générale de renouvellement. Les faits extérieurs, aussi bien que les révolutions accomplies au sein de la pensée, viendront en aide à cette métamorphose. L’exil d’une dynastie, qui devait changer les institutions politiques, ne laissera pas sans y toucher les mœurs, le goût et l’invention pittoresque. Le passé, en perdant l’estime des législateurs et des publicistes, ne sauvera pas du naufrage l’admiration des artistes ; non pas que je veuille proscrire l’étude et la reproduction de l’histoire, mais les annales modernes changeront de sens et de valeur ; au lieu de chercher dans un siècle sa physionomie extérieure, son apparence corticale, l’âme voudra en deviner la signification, en interpréter la pensée ; à la peinture visible succédera la peinture intelligible ; on ne croira plus avoir rivalisé avec les maîtres en copiant une ogive, une épée ou un pourpoint. La partie locale et chrono-