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droits : on y retrouve une vie de flibustier, et des péripéties merveilleuses comme celles du Cleveland de l’abbé Prévost. Trelawney s’était proposé de bonne heure pour modèle le Christian du voyage du capitaine Bligh, le même héros que Byron a célébré dans l’Île : s’il n’a pas exagéré ses hauts-faits en nous les racontant, il n’est nullement demeuré au-dessous de son idéal. Quoiqu’on ait dit que le type du Giaour et du Corsaire avait été suggéré à Byron par Trelawney lui-même, j’ai peine à croire que ces types profonds ne préexistassent pas dans l’âme du poète, et qu’ils ne surgissent point immédiatement de l’orage de ses propres pensées. Au reste, nous n’avons pas vu encore la portion de la vie de Trelawney où il entre en rapport avec Byron ; ce point, si Trelawney le fixait avec une exactitude scrupuleuse, pourrait prêter à une piquante discussion biographique et littéraire.

M. Ballanche publie en ce moment une édition in-18, complète, de ses œuvres[1]. Il a jugé convenable d’en exclure un écrit de jeunesse qui parut en 1801 et qui avait pour titre, du Sentiment : c’était un pur essai vaguement expansif, comme tous les jeunes gens sont tentés d’en imprimer, la tête encore échauffée de leurs premières lectures. Mais à part cette production sans importance, les autres ouvrages de M. Ballanche et plusieurs fragmens inédits jusqu’à ce jour, ont été recueillis dans cette publication précieuse qui manquait à l’étude de la philosophie contemporaine. Chacun pourra désormais suivre la pensée de M. Ballanche sous les diverses formes et dans l’ordre de génération où elle s’est produite : on desirera vivement surtout l’achèvement de cet édifice grandiose, dont on aura traversé le péristyle et dont on aura vu se dessiner l’enceinte. La philosophie de l’auteur d’Orphée a déjà été exposée dans cette Revue avec une largeur et une fidélité bien difficile par la plume métaphysique de M. Barchou ; nous tâcherons peut-être de revenir quelque jour sur l’auteur lui-même, en l’abordant cette fois comme le père d’Hébal, par le côté personnel et plus vivant, et en insistant sur les mérites de l’écrivain.

P.S. Les deux derniers jours ont été féconds en incidens. La déclaration de la duchesse de Berry qui n’a guère rien appris de nouveau aux personnes bien informées, atteste l’obstination presque violente qu’on a dû mettre à l’obtenir, et l’importance qu’on attachait à l’enregistrement solennel d’un tel aveu. Ce sera un sujet de honte pour bien du monde. La légitimité est un peu plus morte que devant ; le dogme de l’hérédité n’est

  1. Au bureau de l’Encyclopédie des Connaissances utiles, rue des Grands-Augustins, n. 18.