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ÉTUDES SUR L’ITALIE.

Je veux demain matin, là-haut, d’un pied agile,
Monter avec la chèvre au tombeau de Virgile,
Et de là regarder le Vésuve et la mer,
Et me nourrir long-temps d’un souvenir amer ;
Puis quand j’aurai pleuré sur l’antique poète,
Lorsque j’aurai tout dit à sa cendre muette,
Nous causerons, mon âme, avec Cimarosa,
Autre cygne dont l’aile ici se reposa.
Que de fois j’ai maudit la reine Caroline,
Qui ferma pour jamais cette bouche divine,
Parce que, dans les murs de la belle cité
Elle voulut un jour chanter la liberté !
Or, j’ai toujours aimé ce roi de mélodie :
C’est lui qui réveilla mon enfance engourdie,
Qui me vint prendre au cœur, et par son art puissant,
Avant un autre amour, fit bouillonner mon sang ;
Car en ce pauvre monde, il est vrai que tout homme
De ce divin amour n’a qu’une faible somme
Qu’il promène sans cesse et comme sans projet
De penser en penser et d’objet en objet.
Quand l’orchestre aux cent voix, à la douce harmonie,
Répandait tout à coup ces notes de génie,
Se déroulant ainsi qu’un fleuve oriental,
Ou sur un marbre pur un collier de cristal,
À ces sensations mon âme fraîche éclose
Nageait dans un parfum d’aloès et de rose.
Puis, quand cette musique au vague enchantement
Avait cessé, marchant dans mon enivrement
Comme le pélerin qui revient, se rapelle
La châsse d’or massif et l’ardente chapelle,
Et de ses pieds foulant la poudre des chemins
Est au ciel, en idée, avec les séraphins ;
Je sentais tous ces chants retentir dans ma tête,
Et par la rue encor continuer la fête.
Mais, comme en ces plaisirs que plus tard j’ai goûtés,
Je n’ai vu qu’amertume et fausses voluptés,