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les bagages d’une armée étrangère. Pires ou meilleures, les œuvres d’Horace Vernet auraient eu le même succès. On ne jugeait pas ces mordantes allusions au passé, comme des morceaux d’histoire, d’éloquence et de poésie, où la vérité, l’inspiration, le génie, sont une mise indispensable ; on les applaudissait comme une réplique abrupte, incisive, cruelle ; on les aimait comme une vengeance dont on prenait sa part.

Et vraiment, ce qui est arrivé aux toiles d’Horace Vernet n’a pas lieu d’étonner ceux qui suivent d’un œil assuré la destinée de la pensée. Rarement s’est-il rencontré une œuvre humaine qui fût jugée du premier coup, en elle-même et pour elle-même. Ceux qui estiment un poème, un tableau, une statue, un opéra, pour les mérites qui lui sont propres, sans tenir compte des amitiés du poète du sujet préféré par le peintre, de l’éclat du marbre ou de la grâce des ballets, sont en petit nombre, et n’obtiennent, pour prix de leur impartialité, que le surnom de fâcheux et d’indifférens.

Le succès des batailles d’Horace Vernet s’explique absolument comme celui des Messeniennes, comme celui des pitoyables tragédies effacées maintenant de toutes les mémoires, où la paraphrase ampoulée d’un dialogue de Montesquieu, d’une page de Tite-Live, empruntait, pour arriver jusqu’au parterre ébahi, le profil de Napoléon et les souvenirs de la grande armée.

N’est-il pas vrai que la musique déclamée, qui, depuis le Directoire jusqu’à la restauration, s’est appelée en France du titre pompeux de musique dramatique, n’a dû la plus grande et la meilleure part de sa popularité qu’à l’absence presque totale de musique réelle ? Dalayrac et Boieldieu, placés très loin, à coup sûr, de Nicolo et de Méhul, ont bien compris leur mission, et l’ont dignement accomplie. Ils ont noté des scènes d’une sentimentalité vulgaire, qui eussent fait envie aux contes moraux de Marmontel, ou aux nouvelles de Florian ; ils n’ont pas prodigué les mélodies, ni les thèmes originaux ; ils ont senti que le public de leur temps n’aimait pas la musique, et voulait se vanter du contraire. Pour combler ses souhaits, ils lui ont offert de petites comédies mêlées d’ariettes inoffensives, et l’auditoire de Feydeau s’est extasié sur la finesse de ses goûts et la délicatesse de ses plaisirs.

Pareillement, je ne voudrais pas nier qu’Horace Vernet n’ait