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ment conduit à chercher quels moyens de communication avaient les ouvrières de ces toiles pour arriver là et pour en sortir, puisque je n’avais jamais vu aucune araignée de cette espèce marcher à la surface de l’eau. Je ne tardai pas à les connaître.

Ayant placé une de ces araignées sur le bout de mon doigt que je tenais élevé verticalement à la hauteur de l’œil, je la vis bientôt faire sortir de ses filières une soie très fine qui s’allongeait rapidement, et qui, emportée par le vent à mesure qu’elle croissait, alla bientôt rencontrer un corps contre lequel elle se fixa. Une voie de communication étant ainsi établie entre ce corps et le bout de mon doigt, l’araignée en profita pour quitter promptement sa prison.

La même expérience plusieurs fois répétée ayant toujours donné des résultats semblables, et la partie essentielle du procédé étant ainsi connue, il ne restait plus qu’à en suivre les détails et à en préciser les circonstances.

La première question qui se présentait était relative à la limite des distances que ces insectes pouvaient ainsi franchir. Pour la connaître, j’emportai à diverses fois des araignées sur le lac, et en tenant compte de la direction du vent, je m’arrangeais de manière à ce que ce fil se projetant sur un fond obscur, s’y détachât en lumière, ce qui me permettait de l’apercevoir malgré sa ténuité, lorsqu’il était déjà fort loin de moi. Communément dans moins d’une demi-minute, sa portion la plus éloignée était hors de la portée de ma vue, et, autant que j’en pouvais juger, à une distance de vingt-cinq ou trente yards. Peut-être allait-elle beaucoup plus loin ; mais comme il n’y avait point d’ordinaire d’objet sur lequel elle se fixait, on ne pouvait savoir positivement jusqu’où elle allait. Dans un cas, j’ai vu le fil se fixer à plus de vingt yards de distance, et j’ai pu suivre toute l’opération jusqu’à l’entière évasion du prisonnier.

J’avais placé, comme la première fois, l’insecte sur le bout de mon doigt, et je l’observais avec un microscope. À l’aide de cet instrument, je vis sortir des diverses filières autant de soies qui, se réunissant bientôt en un faisceau unique, formèrent un fil qui, emporté par le vent à mesure qu’il s’allongeait, alla rencontrer une branche d’arbre contre laquelle il se fixa.

Pendant toute la durée de cette opération, j’avais observé avec un extrême intérêt les divers mouvemens de l’araignée. Je l’avais vue d’abord fixer solidement à mon doigt l’origine de son fil, et pour cela il lui avait suffi d’y appuyer, au moment où elle commençait à filer, la partie inférieure de son abdomen. Cela fait, et pendant que le fil, soutenu par l’air, s’éloignait se dérobant à ma vue sauf dans les points où il était couvert d’un peu de poussière qui en grossissait le diamètre, elle