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SOUVENIRS SUR JOSEPH NAPOLÉON.

Pyrénées. Bientôt le roi apprit qu’au mépris de l’acte qui l’avait placé sur le trône d’Espagne, la question d’ajouter au territoire français les provinces de Biscaye, de Navarre et de Catalogne, s’agitait encore dans le cabinet impérial. Il n’y avait plus à hésiter. Joseph se décida à aller lui-même à Paris. Il profita de l’occasion apparente que lui offrait le baptême prochain du roi de Rome, et partit. À Saint-Jean-de-Luz, on voulut lui opposer un ordre de l’empereur qui défendait de le laisser pénétrer jusqu’à la capitale. Le but de son voyage était trop grave et trop important pour qu’il se laissât retenir par la crainte de mécontenter son frère. Il passa outre, arriva à Paris et se présenta devant l’empereur.

Là, dans une entrevue qui fut orageuse, Joseph lui déclara que, ne pouvant pas faire le bonheur de l’Espagne, il renonçait à régner sur ce pays ; qu’il voulait être roi et non pas oppresseur. Napoléon, alarmé de cette chaleur généreuse, et redoutant l’effet moral que pouvait produire une telle abdication, se décida, afin de calmer son frère, dont il aimait la personne et dont il estimait le caractère, à abandonner ses prétentions sur la péninsule. Pour le déterminer à retourner en Espagne, il lui donna l’assurance positive que les gouvernemens militaires cesseraient bientôt, et que l’administration des provinces serait rendue aux autorités espagnoles.

Dans cette occasion, voulant fournir au roi les moyens de réprimer les excès des chefs militaires, l’empereur lui donna le titre et les pouvoirs de généralissime des armées françaises en Espagne[1].

Pour prouver à son frère que les gouvernemens militaires n’avaient pas été sans résultats utiles, Napoléon lui fit savoir qu’ils avaient déjà produit un bon effet sur le gouvernement anglais, qui offrait de quitter le Portugal, si les troupes françaises évacuaient l’Espagne, et de le reconnaître comme roi, si la nation voulait bien l’adopter pour tel, et si la France consentait de son côté à reconnaître la maison de Bragance en Portugal.

C’est dans l’espoir du succès de cette négociation avec l’Angle-

  1. Ce fut par suite de cette décision de l’empereur, que M. le maréchal Jourdan quitta son titre de major-général des armées françaises, pour prendre celui de chef d’état-major de S. M. C.