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fils au moyen desquels une main inconnue tisse sous nos yeux la trame de l’histoire.

Notre réflexion se dirige-t-elle dans les actes que nous exécutons seulement sur l’objectif ? n’est-elle préoccupée que de l’objectif ? l’histoire entière nous paraît dès-lors comme absolument prédéterminée ; prédéterminée de plus, non par une puissance ayant conscience de ses propres actes, mais au contraire par une puissance aveugle, dépourvue de cette conscience. Cette puissance nous apparaît conforme à l’idée que nous nous faisons du destin. L’histoire manifeste alors un système de fatalisme. Notre réflexion se préoccupe-t-elle au contraire uniquement du subjectif, c’est-à-dire de la chose librement, spontanément modifiante ? l’histoire nous apparaîtra comme un système de phénomènes dépourvu de toute régularité, étranger à toutes lois ; elle sera une manifestation d’irréligion, d’athéisme. L’idée fondamentale de ce système sera que c’est au hasard, sans règle aucune, que se succèdent les évènemens du monde de l’histoire. Mais lorsque notre réflexion sait s’élever au-dessus de ces deux sortes de considérations, pour remonter jusqu’à l’absolu, lieu de la liberté et de l’intelligence, nous entrons en possession du système de la providence, c’est-à-dire de la religion dans le vrai sens du mot.

Si cet absolu qui peut se manifester partout se manifeste dans l’histoire, ou doit se manifester dans l’histoire, il ne l’a fait ou ne le fera que sous les apparences de la liberté. Cette manifestation sera complète lorsque l’acte libre se trouvera d’accord de point en point avec sa prédétermination. Nous verrons alors, c’est-à-dire au dernier terme du développement de la synthèse absolue ; nous verrons, dis-je, qu’il n’était aucune des choses produites par la liberté dans tout le cours de l’histoire, qui ne fût nécessaire, qui ne fût coordonnée à l’ensemble. Nous saurons comment tous les actes exécutés, quelque librement qu’ils aient semblé l’avoir été, étaient pourtant nécessaires, pour que le tout qui a été produit, ait été produit. La durée de l’opposition subsistante entre les deux sortes d’activités dépourvues de conscience toutes deux, est nécessairement infinie. Si cette opposition cessait, il arriverait, en effet, que l’harmonie de la liberté cesserait au même instant ; car cette opposition qui contient la raison, en est le fondement. Nous ne