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La notion que nous devons nous faire de l’histoire nous est donc enseignée par ce qui précède. Nous connaissons de plus la forme, pour ainsi dire, de l’histoire. L’histoire est une manifestation progressive et continue de l’absolu. C’est pour cela qu’aucune place précise n’est assignée à Dieu dans l’histoire. Dieu n’est jamais, si par être nous entendons apparaître dans le monde objectif, car, si Dieu était, nous, nous ne serions pas ; mais Dieu se fait. Dieu devient, Dieu se manifeste perpétuellement. Dans l’histoire l’homme fournit une preuve perpétuelle de l’existence de Dieu ; néanmoins c’est seulement à la dernière période de l’histoire, que cette preuve sera complète. On ne saurait s’expliquer l’existence des choses que dans l’une ou l’autre des hypothèses suivantes. Dieu est-il ? en d’autres termes, le monde objectif est-il une manifestation complète de Dieu ; ou bien, ce qui revient au même, le monde objectif exprime-t-il déjà un rapport exact entre la nécessité et la liberté ? alors rien ne saurait être autre qu’il n’est. Mais, au contraire, le monde objectif n’exprime-t-il pas ce rapport, n’est-il pas cette manifestation complète de Dieu ? il en résulte que le développement de la synthèse absolue n’est pas complet, que le développement doit continuer de s’effectuer indéfiniment. Il en résulte que l’histoire est une manifestation jamais achevée, quoique jamais interrompue de l’absolu. Cet absolu se divise, afin que le phénomène soit possible, en chose douée de conscience, et chose dépourvue de conscience ; mais en soi, au sein de l’immortelle lumière où il se cache, il n’en est pas moins lui, identique à lui-même, il n’en est pas moins l’éternelle identité, lien harmonique des deux termes opposés.

On peut diviser en trois périodes ce développement progressif de l’absolu, c’est-à-dire les temps historiques. La première est celle de la fatalité, et la troisième celle de la providence. La seconde appartient à la nature ; c’est la nature, qui, enlevant les destinées du monde aux mains de la fatalité, les remet à celles de la providence.

Dans la première période le principe dominant se montre comme un pouvoir aveugle, inflexible, impitoyable ; c’est le destin, la fatalité. On pourrait encore appeler tragique cette période de l’histoire. C’est pendant sa durée qu’ont été brisées les merveilles de la