on peut le croire, la salle des grotesques, où Granville, Jadin, Geniols et Forest avaient fait assaut de malice et de satire.
En vérité, c’est tout un nouveau salon improvisé, toute une exposition d’œuvres rapides où le cœur a guidé la brosse et qui vaut bien l’autre.
Et si l’on se figure ces salles se remplissant de costumes de toutes les nations et de tous les âges (M. de Lafayette seul était en frac ; M. Barrot lui-même portait un domino) ; et au milieu de cette foule bigarrée et mouvante, la danse formant ses quadrilles, ou bien la galope, sa spirale rapide, animée, et cela sans discontinuité, toute une nuit de danse, de parfums, de belles femmes, de noble et de franche gaîté, on n’aura encore qu’une idée incomplète de cette mémorable fête.
Eh ! quelles expressions pourraient rendre ce que répandaient de vie et d’animation dans cette foule de vrais amis la grâce facile, la noble et franche cordialité, les soins délicats qui présidaient au plaisir de tous, et faisaient, d’une façon toute nouvelle vraiment, les honneurs de la maison ? Malgré l’ordonnance exquise des appartemens et la richesse si colorée, si pittoresque des costumes, il n’y avait là pourtant, il faut le dire, ni diamans ni rubis, à payer la rançon d’un roi ou le budget d’un département. Nous n’étions ni chez un banquier juif ni chez un général de l’empire.
Nous étions chez le poète, là même où chaque jour court brûlante cette plume qui nous remue et nous passionne, cette plume d’Antoni. À côté des profusions, souvent sans goût et sans joie, de l’opulence impériale ou financière, Dumas installait la fête élégante de l’intelligence et de l’art. Sa plus belle parure était cette guirlande fraîche de jeunes femmes, l’élite du théâtre pour la beauté et les talens. Nous n’en nommerons aucune, ne pouvant les nommer toutes, et pourtant l’absence de madame Dorval, retenue loin de Paris, nous oblige de dire qu’elle était partout cherchée et vivement regrettée. Voilà les rubis et les diamans des fêtes que notre ami Dumas conçoit et réalise au nom de l’intelligence et de l’art.