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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

alors perçoivent des objets teints de ses couleurs, les oreilles des sons qu’elle a purifiés, l’odorat des parfums qu’elle semble avoir trempés : aussi dans ces temps, l’art est moral, utile, et par cela sublime. Alors la poésie, la musique, la peinture, l’architecture, comme quatre vierges divines, vont se donnant la main et chantant un même chœur. La même idée préside à toute création, qu’importe que ce soient des vers, des sons ou des couleurs ? c’est toujours la manifestation de la même parole. Dans cette cathédrale dont l’ensemble est gigantesque, et le détail si fin, si tenu, si délié, dans ces flèches aiguës qui partent des quatre points, et s’élancent au ciel, c’est la prière, la prière ailée, qui frappe du pied le sol et monte légère vers Dieu. C’est elle encore dans les chants de Palestrina, dans les tableaux angéliques d’Albert Dürer, dans les poèmes merveilleux de Dante. Mais un temps arrive où l’artiste abandonne le sentier divin : que ce soit parce que la multitude se lasse de voir se reproduire sans cesse, et sous toutes les formes, des moralités sublimes qu’elle devrait pourtant toujours avoir sous les yeux ; que ce soit parce que de grandes nations oubliées, chassées de leur pays, viennent s’immiscer au peuple et répandre sur son chemin des semences mythologiques que le soleil échauffe, de sorte que bientôt le myrte de Vénus croît à côté de l’olivier du Christ ; que ces révolutions adviennent, et troublent l’art dogmatique au milieu de ses progrès, c’est chose qu’on ne peut nier ; mais ce qu’on ne peut nier non plus, c’est qu’il est des hommes enveloppés dans la croyance, enfermés dans le dogmatisme des premiers temps, qui, au milieu de tout ce débordement d’éclectisme, lorsque la plupart des meilleurs esprits se laissent entraîner par le fleuve, seuls poursuivent dans le silence leur œuvre commencée. Et lorsque toute inspiration religieuse a cessé autour d’eux, lorsque leur siècle, entouré d’élémens étrangers, travaille à les réunir, et va feuilletant les systèmes anciens et modernes, jusqu’à ce qu’à la fin il se trouve avoir fait, philosophie, peinture, poésie ou musique, une œuvre sans importance, qui meurt le jour où elle est née, et rend ainsi à chacun ce qui lui appartient, ces hommes, dont l’âme est le dernier sanctuaire de l’inspiration, jettent à la foule une œuvre spontanée dont