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PROGRÈS DE LA SOCIÉTÉ EN FRANCE.

d’après des documens authentiques, à 65,361,000 francs. En 1784, Necker le portait à 110 millions et même jusqu’à 130 (tome 3, page 349) ; mais il comprenait sans doute, dans ces sommes, d’autres produits que ceux des biens-fonds. Enfin, en 1789, M. de Talleyrand, dans son rapport à l’assemblée constituante, le faisait monter à 70 millions, non compris les propriétés des villes et les édifices occupés par les ecclésiastiques ou réservés pour le culte. Ce revenu exempt d’impôts formait le neuvième de celui du royaume ; mais d’autres sources de richesse que nous indiquerons bientôt l’augmentaient prodigieusement.

La noblesse possédait une étendue de terres grande comme le royaume de Bavière. Le revenu net et presque exempt d’impôts que donnaient ces possessions s’élevait à 170 millions. C’était beaucoup plus d’un tiers de celui de toute la France.

Les terres imposables, c’est-à-dire celles qui n’étaient ni domaniales, ni nobles ou ecclésiastiques, avaient une surface d’environ 41,600,000 hectares, faisant 21,060 lieues carrées. Elles étaient à l’étendue totale du royaume, comme sept sont à neuf. Elles rapportaient annuellement, à raison de 23 francs et quelques centimes l’hectare, 960 millions de francs, ou plus des trois quarts du produit net de la France ; mais les charges dont elles étaient grevées, enlevaient près des huit neuvièmes de cette somme, et il ne restait guère aux propriétaires roturiers qu’une centaine de millions. Lavoisier porte leur nombre à 450,000 ; ce qui laisse supposer que leur revenu moyen n’excédait pas 220 francs.

On ne peut concevoir un aussi faible produit de la propriété territoriale dans le pays de l’Europe le plus favorisé par la nature, qu’en reconnaissant, par le calcul, que les impôts, les dîmes, les droits féodaux, le casuel ecclésiastique, réduisaient alors le revenu des terres non privilégiées à 2 francs 30 cent. l’hectare, y compris les édifices, et prélevaient 20 fr. 70 cent. sur son produit net. En sorte qu’il s’en fallait de peu que, sur dix gerbes que le cultivateur obtenait de son propre champ, neuf ne fussent acquises de droit au collecteur des taxes, au curé du village et au seigneur du château voisin.

Les détails suivans sont nécessaires pour justifier ces assertions.

1o CLERGÉ.

Les biens de cet ordre étaient répartis approximativement ainsi qu’il suit :