laver du linge, notre hôtesse répondit qu’on le laverait dans la maison, et qu’elle prendrait une dame pour l’aider. Cette dame, quand elle parut, se trouva être une dame de couleur. Il ne sert à rien dans ce pays de parler ainsi aux classes inférieures : « Envoyez chercher cet homme ; faites venir cette femme ; » un pareil langage ne serait toléré par aucun membre de la communauté. Le sentiment de la dignité personnelle existe presque universellement ici.
« Il y avait dans cet hôtel (à Boston) un domestique américain, qui paraissait exact à remplir tous ses devoirs, et sans jamais se relâcher. Mais ses manières étaient aussi différentes que possible de celles d’un domestique anglais ; il ne montrait jamais aucun empressement servile, et n’aurait pas, je pense, pour un empire, ôté son chapeau en passant devant l’un des habitans de l’hôtel. Ce n’était pas cependant manque de civilité, mais persuasion qu’il ne devait agir que comme on agissait envers lui. Les nègres mêmes et les gens de couleur libres ne se parlent les uns aux autres qu’en employant les termes accoutumés de monsieur ou madame, et s’il est question d’un absent, tout le monde en général ne le désigne que sous le nom de citoyen, etc.
« Nous dînâmes à un beau village appelé Dedham, et dans un excellent hôtel. Nous étions servis à table par une très jolie fille qui attira l’attention d’un Irlandais, notre compagnon de voyage, plus qu’il n’est permis par les usages de ce pays. Il la regarda d’abord long-temps, puis se penchant vers son voisin, lui dit assez haut pour être entendu de tout le monde : Quelle charmante créature ! La jeune fille rougit et quitta aussitôt la salle. Nous nous attendions à ce que le maître de l’hôtel allait paraître, pour reprocher à cette personne ce qu’il devait considérer comme une grossièreté et une familiarité indécente de sa part : heureusement il n’en fit rien. Mais un autre des assistans, habitant de Boston, prit la parole et expliqua à l’Irlandais combien étaient différens les usages de son pays et de celui-ci relativement à la conduite à tenir dans les maisons destinées à recevoir les voyageurs : il lui dit que la profession d’aubergiste était regardée comme très respectable ici ; que les filles d’un homme de cette classe, quoique aussi bien élevées que n’importe quelles demoiselles de la société, ne croyaient pas s’abaisser en consacrant la matinée au service de la maison ; qu’en conséquence il n’était pas impossible que la jeune personne sur laquelle il venait de faire une observation aussi cavalière, fût l’une des filles du maître de l’hôtel, qui, le dîner achevé, s’habillerait aussi élégamment que les premières demoiselles de la ville, et serait reçue sur un pied d’égalité parfait avec elles dans les familles les plus respectables. Il recommanda à notre compagnon de voyage de prendre garde de