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arbitraire, ce n’est peut-être pas le seul cas où celui de la Prusse vaudrait mieux que celui de l’empire, couvé par le juste-milieu.

Divers autres traits de dévastation municipale nous ont été communiqués depuis la publication de notre livraison du 1er  mars. L’ouvrage de M. Vitet sur Dieppe nous a appris qu’on a détruit dans cette ville, il y a quelques années, la belle porte de la Barre, par où l’on arrivait de Paris, et dont la voûte sombre et les deux tours produisaient un effet si pittoresque ; on a prétexté qu’elle était trop basse pour les charettes de roulage, etc. Vers le même temps, l’administration municipale d’Angers, présidée par un député de l’extrême droite, faisait transformer en théâtre l’ancienne et gothique église de Saint-Pierre. Enfin, dans le Périgord, la vieille église du Vergt, que le conseil de fabrique avait résolu d’entretenir et de réparer, vient d’être jetée bas par un maire, avide d’économies, qui a lancé contre elle un matin cinquante ouvriers, au mépris de l’arrêté du conseil. À la vérité, il y a procès, mais en attendant, il y a ruine.

Aux exemples de vandalisme chez les propriétaires d’anciens monumens, que M. de Montalembert a cités, nous devons aussi en joindre deux autres trop notables pour être passés sous silence. Le premier est celui de M. le marquis de Maillé la Tour-Landry, qui a fait détruire et vendre les décombres de l’abbaye du Loroux en Anjou, fondée au douzième siècle, et qui avait encore conservé un aspect si imposant, que les Prussiens en 1814 la prirent pour une forteresse, et n’osèrent l’attaquer. Le second, plus coupable encore, est celui de la destruction complète du Paraclet, par M. le lieutenant-général comte Pajol. Il n’a pas respecté une seule pierre du seul monument qui nous restât de cette histoire d’Abailard et d’Héloïse, peut-être la plus populaire et la plus touchante de nos vieilles chroniques : le cloître est remplacé par un espalier sur des murs reconstruits de fond en comble. L’oratoire où la supérieure du Paraclet priait jour et nuit pour le repos de l’âme de son ancien précepteur, est devenu un moulin tout neuf : enfin sur l’emplacement des deux tombeaux s’élève un pavillon chinois !

On est heureux de pouvoir opposer à ces déplorables exemples, celui de M. Parquin, bâtonnier de l’ordre des avocats à la cour royale de Paris. Devenu propriétaire du célèbre château du Vivier, en Brie, entre Chaume et Fontenay, résidence habituelle de Charles v et de Charles vi, il a fait les plus nobles efforts pour dégager et conserver dans leur état original les débris de cette maison royale. Grâces à lui, nous pouvons encore admirer ce monument, l’un des plus remarquables de l’art féodal, tant par l’antiquité et l’étendue de son ensemble, que par les détails de construction de la grande tour d’alarme et de la chapelle.