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ÉCONOMIE POLITIQUE.

indépendamment de toute récrimination, des remèdes à ce qui nous afflige.

M. de Coux les a-t-il trouvés ? La suite de son ouvrage nous l’apprendra. Nous faisons des vœux pour qu’il apporte une doctrine capable de concilier tant d’intérêts contradictoires, la liberté sous toutes ses formes et les bienfaits d’une meilleure organisation. Il a sondé mieux que personne les graves questions qui préoccupent les économistes. Sa distinction entre les valeurs d’échange et les valeurs d’utilité nous paraît vraie, fondamentale. Ainsi les richesses apparentes et mal distribuées que de superficiels économistes cherchent dans un accroissement quelconque des valeurs vénales, l’inquiètent beaucoup moins que les valeurs d’utilité, c’est-à-dire la situation réelle du pauvre, le bien-être du plus grand nombre. Le mal de la société lui est connu. Nous avons seulement contesté les causes historiques auxquelles il l’attribue, mais notre sympathie lui est acquise dans les vertueuses recherches qu’il s’est proposées, afin d’élargir la science et de soulager l’humanité. Ses injustices et la sévérité même de son langage nous inspirent du respect. Elles nous paraissent comme l’honorable témoignage d’une charité souffrante et d’une âme confiante dans sa foi. Or, rien ne nous semble plus rare et plus admirable qu’une telle confiance. Assurément M. de Coux aurait quelque raison d’être découragé. Depuis le temps où il avoue lui-même que le prêtre est devenu stationnaire, l’incrédulité et la réforme ont fait de notables progrès. La papauté leur a-t-elle opposé cette ardeur de science, ce noble esprit de liberté qui peuvent seuls établir ou relever de grandes causes ? Non, partout elle se retranche dans la protection des gouvernemens despotiques, honteuses gendarmeries dont elle se défendait, pendant la courte durée de ses beaux jours, comme d’une invasion barbare.

On reproche à la philosophie de n’avoir d’autre sanction pour sa morale que l’échafaud ou le bagne. Les sanctions de cette espèce ne manquent pas dans les états romains, et ce n’est pas là qu’on peut trouver, en compensation, l’admirable économie sociale que M. de Coux fait dépendre de la renaissance de la foi. Aujourd’hui, comme autrefois, la politique de Rome ne peut opposer que de faibles argumens au conseil que Voltaire lui adresse par l’organe d’un empereur chinois : « Avant de gouverner la terre, il faut savoir gouverner sa terre. »

Si quelques hommes doués d’une piété égale à la beauté de leurs talens ont assez d’espoir en l’église, pour demander la suppression des indignes privilèges qui la déshonorent, on leur répond par la même admonition encyclique envoyée aux martyrs de Varsovie avec les ukases du bourreau impérial : « Soumettez-vous aux puissances. »