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REVUE DES DEUX MONDES.

un amour comme celui-là ! Voyez ! comme le hasard me contrarie ! Moi qui allais l’aimer.

OCTAVE.

En vérité ?

MARIANNE.

Oui, sur mon âme, ce soir ou demain matin, dimanche au plus tard, je lui appartenais. Qui pourrait ne pas réussir avec un ambassadeur tel que vous ? Il faut croire que sa passion pour moi était quelque chose comme du chinois ou de l’arabe, puisqu’il lui fallait un interprète, et qu’elle ne pouvait s’expliquer toute seule.

OCTAVE.

Raillez, raillez ! nous ne vous craignons plus.

MARIANNE.

Ou peut-être que cet amour n’était encore qu’un pauvre enfant à la mamelle, et vous, comme une sage nourrice, en le menant à la lisière, vous l’aurez laissé tomber la tête la première en le promenant par la ville.

OCTAVE.

La sage nourrice s’est contentée de lui faire boire d’un certain lait que la vôtre vous a versé sans doute, et généreusement ; vous en avez encore sur les lèvres une goutte qui se mêle à toutes vos paroles.

MARIANNE.

Comment s’appelle ce lait merveilleux ?

OCTAVE.

L’indifférence. Vous ne pouvez ni aimer ni haïr, et vous êtes comme les roses du Bengale, Marianne, sans épine et sans parfum.

MARIANNE.

Bien dit. Aviez-vous préparé d’avance cette comparaison ? Si vous ne brûlez pas le brouillon de vos harangues, donnez-le-moi de grâce, que je les apprenne à ma perruche.

OCTAVE.

Qu’y trouvez-vous qui puisse vous blesser ? Une fleur sans parfum n’en est pas moins belle ; bien au contraire, ce sont les plus belles que Dieu a faites ainsi ; et le jour où, comme une Galatée d’une nouvelle espèce, vous deviendrez de marbre au fond de