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REVUE DES DEUX MONDES.

bonne fille ! Un mot a suffi pour la faire sortir du couvent ; toute poudreuse encore, elle s’en est échappée pour me donner un quart d’heure d’oubli, et mourir. Sa couronne virginale, empourprée de cire odorante, est aussitôt tombée en poussière, et, je ne puis vous le cacher, elle a failli passer tout entière sur mes lèvres dans la chaleur de son premier baiser.

MARIANNE.

Êtes-vous sûr qu’elle en vaut davantage ? et si vous êtes un de ses vrais amans, n’iriez-vous pas, si la recette en était perdue, en chercher la dernière goutte jusque dans la bouche du volcan ?

OCTAVE.

Elle n’en vaut ni plus ni moins. Elle sait qu’elle est bonne à boire et qu’elle est faite pour être bue. Dieu n’en a pas caché la source au sommet d’un pic inabordable, au fond d’une caverne profonde : il l’a suspendue en grappes dorées au bord de nos chemins ; elle y fait le métier des courtisanes, elle y effleure la main du passant ; elle y étale aux rayons du soleil sa gorge rebondie, et tout une cour d’abeilles et de frelons murmure autour d’elle matin et soir. Le voyageur dévoré de soif peut se coucher sous ses rameaux verts : jamais elle ne l’a laissé languir, jamais elle ne lui a refusé les douces larmes dont son cœur est plein. Ah ! Marianne, c’est un don fatal que la beauté ! — La sagesse dont elle se vante est sœur de l’avarice, et il y a plus de miséricorde dans le ciel pour ses faiblesses que pour sa cruauté. Bonsoir, cousine ; puisse Cœlio vous oublier !

(Il rentre dans l’auberge, et Marianne dans sa maison.)



Scène II.


Une autre rue.


COELIO, CIUTA.
CIUTA.

Seigneur Cœlio, défiez-vous d’Octave. Ne vous a-t-il pas dit que la belle Marianne lui avait fermé sa porte ?