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LES CAPRICES DE MARIANNE.

MARIANNE.

Quel pitoyable avocat êtes-vous donc ? Parlez, que je veuille rire ou non.

OCTAVE.

Que regardez-vous à droite et à gauche ? En vérité, vous êtes en colère.

MARIANNE.

Je veux prendre un amant, Octave… sinon un amant, du moins un cavalier. Qui me conseillez-vous ? Je m’en rapporte à votre choix, — Cœlio ou tout autre, peu m’importe ; — dès demain, — dès ce soir, — celui qui aura la fantaisie de chanter sous mes fenêtres, trouvera ma porte entr’ouverte. Eh bien ! vous ne parlez pas ? Je vous dis que je prends un amant. Tenez, voilà mon écharpe en gage : — qui vous voudrez, la rapportera.

OCTAVE.

Marianne ! quelle que soit la raison qui a pu vous inspirer une minute de complaisance, puisque vous m’avez appelé, puisque vous consentez à m’entendre, au nom du ciel, restez la même une minute encore, permettez-moi de vous parler ! (Il se jette à genoux.)

MARIANNE.

Que voulez-vous me dire ?

OCTAVE.

Si jamais homme au monde a été digne de vous comprendre, digne de vivre et de mourir pour vous, cet homme est Cœlio. Je n’ai jamais valu grand’chose, et je me rends cette justice, que la passion dont je fais l’éloge, trouve un misérable interprète. Ah ! si vous saviez sur quel autel sacré vous êtes adorée comme un Dieu ! Vous, si belle, si jeune, si pure encore, livrée à un vieillard qui n’a plus de sens, et qui n’a jamais eu de cœur ! si vous saviez quel trésor de bonheur, quelle mine féconde repose en vous ! en lui ! dans cette fraîche aurore de jeunesse, dans cette rosée céleste de la vie, dans ce premier accord de deux âmes jumelles ! Je ne vous parle pas de sa souffrance, de cette douce et triste mélancolie qui ne s’est jamais lassée de vos rigueurs, et qui en mourrait sans se plaindre. Oui, Marianne, il en mourra. Que puis-je vous dire ? qu’inventerais-je pour donner à mes paroles la force qui leur manque ? Je ne