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REVUE DES DEUX MONDES.

« Si une femme, fière de sa famille ou des grandes qualités de ses parens, viole effectivement son devoir envers son seigneur, que le roi la condamne à être dévorée par les chiens dans un lieu très fréquenté. »

L’atrocité de cette peine tenait vraisemblablement à l’horreur qu’une telle législation devait naturellement professer pour un crime qui pouvait produire le plus grand des maux, la confusion des races. L’adoucissement graduel des mœurs et l’influence du mahométisme ont fait tomber cette loi barbare.[1]

Le droit d’héritage fut primitivement, comme nous l’avons vu, fondé sur la religion des sépultures. Tout l’avantage était pour le fils aîné, celui par qui le chef de race acquitte sa dette envers ses aïeux, celui à qui il appartient d’accomplir le sacrifice funèbre, et par là d’ouvrir à son père l’entrée du monde supérieur. Le fils aîné seul est engendré par un sentiment de devoir, dit Manou ; les autres, ajoute-t-il, sont considérés comme engendrés par l’amour du plaisir. En conséquence, il fallait mettre à part pour lui, avant tout partage, un vingtième de l’héritage et ce qu’il y avait de meilleur dans tous les biens mobiliers. Si on ne mettait rien à part pour lui, il devait avoir une double portion. Mais à ce texte primitif un commentaire postérieur a ajouté une clause qui l’annulle : si tous sont égaux en bonnes qualités, ils doivent tous partager également.

En effet, l’usage du partage égal entre les frères a entièrement prévalu dans l’Inde, et les Hindoux ont tellement oublié la loi primitive, qu’ils montrent le plus grand étonnement, dit l’abbé Dubois[2], lorsqu’ils apprennent que, dans certaines contrées de l’Europe, un père dépouille plusieurs de ses enfans pour en enrichir un seul. Ainsi, le changement des mœurs a entraîné le changement des anciennes lois, et même en a aboli la mémoire dans le peuple.

Les Hindoux sont les premiers à reconnaître ces changemens apportés dans leurs lois par leurs mœurs ; ils confessent que certaines lois qui étaient faites pour les trois premiers âges du monde ne peuvent subsister dans le quatrième, dans l’âge de misère et de crime où nous vivons.

Selon leurs idées, ces changemens tiennent à la décadence qui entraîne le monde, c’est la corruption toujours croissante des hommes qui a forcé de relâcher quelque chose de la sévérité antique. Mais il est aisé de voir que ce prétendu relâchement est dans plusieurs cas un véritable progrès moral. Ainsi, parmi les pieuses coutumes qu’a perdues notre époque

  1. Dubois, Voyage dans l’Inde.
  2. T. ii, p. 44, Voyage dans l’Inde.