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roi ne soit pas un étranger. C’est ainsi qu’avec une profonde sagesse et une indépendance d’esprit supérieure, il fait la part de la contagion pour l’arrêter et sauver du naufrage tout ce qu’il en peut sauver, la nationalité d’Israël.

Il suit de ce qui précède que si la loi de Moïse a agi énergiquement sur les mœurs des Hébreux, leurs mœurs ont sensiblement réagi sur sa loi.

Parcourons rapidement les principales phases de cette action et de cette réaction.

Il faut mettre en dehors de cette étude une portion de la loi qui s’est fondue avec les mœurs, qui est entrée dans le sang et dans la substance des Juifs, qui vit au sein de leurs tribus dispersées, et qui vivra autant qu’elles. Telle est la circoncision qu’ils pratiquent comme au temps d’Abraham ; même certaines prescriptions qui semblent indifférentes subsistent, l’intervalle dont les fiançailles précèdent le mariage est, par exemple, de dix mois aujourd’hui, comme avant la captivité de Babylone. On trouverait dans la vie habituelle des Juifs mille exemples de cette persistance avec laquelle ce peuple se cramponne au passé. Je choisis un trait saillant de sa physionomie morale, l’horreur de ce qui n’est pas lui, la loi de haïr le genre humain ; cette loi est de Moïse. Le genre humain pour les Juifs, c’étaient les nations idolâtres, leurs oppresseurs d’Égypte, leurs ennemis de Chanaan. Il fallait les armer contre ces peuples d’une haine indomptable. Moïse sut planter cette haine si avant dans leurs âmes, qu’elle n’en est plus sortie, et qu’ils l’ont successivement étendue aux divers peuples qu’ils ont rencontrés ; on la retrouve à toutes les époques de leur histoire : dans l’Ancien Testament, elle éclate à chaque page ; les temps modernes venus, elle s’aigrit encore par la persécution et l’opprobre.

Le Talmud permet au Juif de voler le chrétien, et si le chrétien est au bord du précipice, lui ordonne de l’y pousser. Et de nos jours, dans une ville d’Allemagne, un jeune protestant s’abstint d’aller dans une maison juive, parce qu’il s’aperçut qu’après avoir pris le thé avec lui, on brisait la tasse dont il s’était servi.

Mais à part ce fonds commun qui perce à toutes les époques de l’histoire des Juifs, on ne saurait nier que leurs mœurs et leur organisation politique n’aient changé depuis Abraham jusqu’à nos jours.

Les mœurs qui ont précédé la loi de Moïse étaient, nous l’avons vu, patriarcales, et quelque chose en subsista sous son empire. Moïse fit sa loi pour le désert ; seulement, guidé par un instinct merveilleux d’avenir, il se servit du désert pour discipliner son peuple et le préparer à la terre promise. Après lui, l’état de guerre et de conquête crée au sein d’Israël des mœurs violentes. C’est un temps tout héroïque et tout barbare que celui