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LES LOIS ET LES MŒURS.

excepter cette quatrième classe que la prudence de Solon avait exclue des emplois politiques. Dès-lors les faibles barrières que les lois avaient tenté d’opposer aux mœurs démocratiques tombèrent. Ces mœurs débordèrent avec une impétuosité sans frein. Ce fut alors, quand l’état, battu par le flot populaire, allait s’écrouler, qu’il y eut pour Athènes un moment d’activité, de splendeur, de gloire unique dans les annales du genre humain. Toutes les facultés du peuple le mieux doué de la terre firent explosion à la fois. Périclès qui a attaché son nom à cette époque merveilleuse, Périclès fut aussi celui qui porta les derniers coups à la constitution de son pays, qui acheva de relâcher le lien social, et lança le char de l’état dans cette carrière où il devait fournir une course si brillante et si rapide, et se briser dans son triomphe au milieu des applaudissemens de la Grèce et du monde.

Sans doute il fallait, pour produire cette époque extraordinaire, que l’âme de chaque citoyen fût excitée par les agitations et les orages de la démocratie ; il fallait le souffle brûlant du vent populaire pour épanouir au milieu de la tempête cette fleur éblouissante.

Mais ce vent fécondant et terrible avait déposé dans cette fleur un germe de mort ; Athènes eut là, dans l’histoire du genre humain, une heure incomparable ; mais l’heure d’après, il fallut mourir.

Cette fièvre qui lui avait fait faire de si grandes choses précipita sa fin ; le génie ionien, au plus fort de son exaltation démocratique, rencontra pour son malheur le génie dorien, qui depuis long-temps attachait sur lui un œil dédaigneux et menaçant. Les deux génies luttèrent, et cette lutte dura vingt-sept années. L’Ionien ne manqua pas de courage, mais de suite et de patience ; le Dorien le terrassa froidement et le fit esclave. La Sparte de Lycurgue fut plus forte que l’Athènes de Solon.

Mais Athènes ne savait pas servir long-temps, elle ne pouvait surtout endurer l’humeur sombre de ses tyrans, ses mœurs se soulevèrent contre eux et les chassèrent. Alors se présenta pour elle un vainqueur qui lui convenait mieux. Alexandre était un maître assez brillant pour succéder à Pisistrate et à Périclès. Athènes, qui, comme tous les autres états démocratiques de l’antiquité, inclina toujours à la tyrannie, Athènes le pays de la finesse et de la gloire, se laissa prendre aux ruses de Philippe et vaincre aux exploits d’Alexandre.

Enfin, tous les peuples de la Grèce perdirent l’un après l’autre leur liberté, en perdant les mœurs de la liberté.

La ligue achéenne fut un dernier effort pour la défendre, quand déjà elle n’existait plus que dans la pensée de deux jeunes rois et de quelques nobles femmes de Sparte, quand elle mourait de la main du bour-