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tête venait de tomber sur le billot. Ainsi, on le voit, à moins de vouloir se mettre à la suite de M. Paul Delaroche, et trouver dans son tableau une tragédie armée de toutes pièces, on ne devait pas chercher dans la seule mort des enfans d’Édouard le sujet d’un poème dramatique.

Mais n’y a-t-il pas dans la biographie de Richard iii de quoi épouvanter une imagination aussi mesquine que celle de M. Delavigne ? C’est à l’histoire littéraire qu’il appartient de répondre, et je me contenterai de consulter les souvenirs poétiques de la restauration. J’ai dit que l’auteur des Messéniennes n’était pas de son temps ; je crois la chose facile à prouver. Bien que M. Delavigne se soit essayé dans l’ode, dans le dithyrambe, dans l’élégie, dans le poème didactique, dans le discours en vers, dans la comédie de caractère, dans la tragédie pure et la tragédie mêlée, dans le drame bourgeois et dans le drame historique, et même, dans le drame héroïque et philosophique ; bien qu’il ait écrit Waterloo, Jeanne d’Arc, Parthénope, le Jeune Diacre, la Vaccine, le Paria, l’École des Vieillards, la princesse Aurélie, et quantité de ballades mises en musique, remarquables surtout par la nouveauté du rhythme et l’hétérodoxie des rimes, cependant il ne lui est jamais arrivé qu’une seule fois d’exciter une attention réelle ; ç’a été lorsqu’il a versifié toutes les opinions militantes, tous les mécontentemens quotidiens dont se composait le libéralisme politique appelé par Paul-Louis, si exactement, le libéralisme à deux anses. En cette occasion, je le confesse, M. Delavigne a été de son temps, mais à quelles conditions ?

Au théâtre, il n’a rien inventé. Son début, dont on a voulu faire quelque bruit, et qui n’est guère célèbre que par la publication posthume et fort peu authentique des sympathies de Talma, n’est qu’un mélodrame de second ordre, une amplification de rhétorique. Je n’attribue qu’un seul mérite aux Comédiens, c’est de m’avoir fait relire, avec un plaisir éternellement nouveau, quelques pages de Gilblas. J’en puis dire autant du Paria et de la Chaumière indienne. Je ne sais par quel hasard inespéré il s’est rencontré dans les chœurs quelques strophes vraiment lyriques ; je soupçonne qu’on en pourrait retrouver la trace dans Kalidâsi. C’est à peine si j’ose parler d’un travestissement de Byron, qui a dû à la pantomime expressive