Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/548

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
542
REVUE DES DEUX MONDES.

sent. Vous savez, belle dame, que la reine va jouer la comédie à Trianon ?

LA DUCHESSE (inquiète).

Mais la présidente courait donc un grand danger ?

TRONCHIN.

Un danger que peuvent courir bien des jeunes femmes ; car enfin j’ai vu bien des choses comme cela dans ma vie. Mais autrefois cela s’arrangeait par la dévotion plus facilement qu’aujourd’hui. À présent c’est le diable. Je vous trouve les yeux battus.

LA DUCHESSE.

J’ai mal dormi cette nuit après votre visite.

TRONCHIN.

Je ne suis pourtant pas méchant, bien effrayant pour vous.

LA DUCHESSE.

C’est votre bonté qui est effrayante, et votre silence qui est méchant. Cette femme dont vous parlez, voyons, après tout, est-elle déshonorée ?

TRONCHIN.

Non, mais elle pouvait l’être et de plus abandonnée de tout le monde.

LA DUCHESSE.

Et pourtant tout le monde sait qui elle aime.

TRONCHIN.

Tout le monde le sait et personne ne le dit.

LA DUCHESSE.

Et tout d’un coup on eût changé à ce point ?

TRONCHIN.

Madame, quand une jeune femme a une faiblesse publique, tout le monde a son pardon dans le cœur et sa condamnation sur les lèvres.

LA DUCHESSE (vite).

Et les lèvres nous jugent.

TRONCHIN.

Ce n’est pas la faute qui est punie, c’est le bruit qu’elle fait.

LA DUCHESSE.

Et les fautes, docteur, peuvent-elles être toujours sans bruit ?