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on l’observe chez d’autres gallinacés, et notamment chez les faisans. Les chasseurs désignent par le nom de faisans-coquards des individus dont le plumage ressemble à celui des mâles, quoiqu’un peu plus terne, et qu’ils considèrent en effet comme des mâles malades ; cependant on s’est assuré depuis un demi-siècle environ que ces faisans-coquards sont des femelles : c’est ce que l’inspection anatomique prouva à Mauduit, qui en disséqua un vers 1770, et à Vicq d’Azyr, qui peu après en disséqua aussi plusieurs. Mauduit a consigné ce fait dans la partie ornithologique de l’Encyclopédie méthodique. Il ajoute qu’un inspecteur des chasses de la forêt de Saint-Germain avait aussi reconnu que les vieilles poules faisanes qui ne pondent plus ou ne pondent que très peu, prennent un plumage approchant de celui du mâle. « Cela a pu, dit-il en terminant, échapper à l’observation dans les faisanderies, parce qu’on n’y conserve que de jeunes femelles ; mais depuis on l’a vérifié par rapport à la femelle du faisan doré de la Chine, parce que l’on conserve ces animaux rares tout le temps de leur vie. »

M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a suivi à la ménagerie du Muséum cette transformation dans ses diverses périodes chez des femelles de faisan doré de la Chine, de faisan argenté et de faisan commun.

Chez une femelle de la dernière espèce, la ponte avait cessé à l’âge de cinq ans, et le changement de plumage commença dès-lors à devenir apparent. Il se manifesta d’abord sur le ventre qui prit une teinte plus jaune, et sur le col qui se colora plus vivement. Bientôt tout le corps eut changé de couleur. L’année suivante, les teintes de ses plumes prirent encore beaucoup plus de l’éclat et de la vivacité de celles du mâle. La troisième année, cet éclat augmenta encore, et à tel point qu’il était presque impossible de ne pas se méprendre sur son sexe d’après la seule inspection des couleurs, surtout si on ne voyait pas, en même temps, près d’elle un mâle véritable. La ressemblance n’était pas encore complète, mais tout faisait présumer qu’elle serait telle la quatrième année, et la faisane semblait devoir vivre bien au-delà de ce terme, lorsqu’un accident la fit périr. On avait remarqué que depuis son changement de plumage elle était devenue pour les mâles un objet fort indifférent ; elle-même, depuis la même époque,