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tout notre camp avait marché à la fraîcheur ; et, reposés et repus, nous trouvâmes, après le déjeuner, le même ordre de bataille que la veille. Nous chassâmes tout le jour avec le même appareil, et continuâmes ainsi pendant une huitaine de jours. Enfin, quand nous eûmes battu tous les buissons de la contrée, épuisé, ruiné le peu de villages qui y sont dispersés, et mis sur les dents la cavalerie syke, nous revînmes chez nous, emmenant seulement une troupe de cavaliers et tous les éléphans qui devaient servir à chasser aux tigres vers la base des montagnes. La bande joyeuse et magnifique m’accompagna jusqu’à Saharunpore, petite ville où le gouvernement entretient un misérable jardin botanique. Son directeur, le médecin de la station, devait m’être très utile. Je préparai chez lui mon nouvel équipage de voyage, laissai sous sa garde mon second bagage et les collections formées depuis Delhi ; et, n’emportant que le plus strict nécessaire, je dis adieu aux plaines le 12 avril, deux jours après le renversement de la mousson, et l’établissement des vents du sud-ouest, chauds de 35° le jour et 33 ou 34 la nuit. Je montai jusqu’à Dheyra, dans le Dhoon, avec des chars et des bœufs. Là, je les congédiai, je renvoyai à Saharunpore, à l’écurie de mon botaniste, mon pauvre tatton (les Anglais ont cinq à six mots excellens et polis contre notre unique et ignoble bidet, que je ne puis me résoudre davantage à appliquer à ma monture), je me munis en sa place d’un long et solide bambou ; et après avoir soigneusement visité ce premier étage des montagnes, tandis qu’à mon camp des vanniers, des bourreliers et toutes sortes d’ouvriers faisaient les apprêts de mon voyage à des lieux où des hommes seuls peuvent passer, je montai sur le second gradin de l’Himalaya, le 24 avril. On n’y a jamais vu de voyageur avec un aussi simple appareil. Trente-cinq porteurs me suffisent, dépense de près de 400 francs par mois ; il est vrai que j’ai pu réduire à cinq le nombre de mes domestiques en y ajoutant même un jardinier. J’ai en outre une escorte de cinq soldats gorkhas, commandés par un havildar de choix, qui s’entend merveilleusement à faire marcher mon monde ; ainsi je fais le quarante-sixième. Tu trouveras que c’est là un train royal ; cependant j’ai tous les jours un bien mauvais dîner, heureux qu’il n’ait pas manqué encore jusqu’ici : du riz bouilli, un